Certificat médical faisant un lien avec le travail : le médecin du travail peut aussi être condamné.
La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins (décision n°12218 rendue publique le 26 septembre 2016) vient de condamner un médecin du travail.
Le praticien reçoit un employé d’une société qui exerce sur un site nucléaire. Le salarié explique être victime de maltraitance et de harcèlement de la part de ses employeurs. L’employé souffre d’une dépression, qu’il met directement en lien avec la dégradation de sa situation professionnelle.
Le Médecin du travail écrit dans son certificat médical :
« Cette pathologie anxio-dépressive est la conséquence d’une suite de syndromes de stress post-traumatique, après un premier effondrement psychopathologique consécutif à un droit d’alerte du 13 avril 2011, suivi de plusieurs décompensations psychopathologiques aiguës en rapport à un vécu de maltraitance professionnelle (…) Comme spécialiste de psychopathologie du travail, je peux attester que l’enchainement de pratiques ‘maltraitantes de son entreprise’ » ne peu[t] qu’aggraver de façon délétère (…) les conséquences de sa pathologie psychopathologique post-traumatique ».
L’Ordre des médecins est saisi.
En effet, d’une part, le médecin n’a pas la compétence pour réaliser cet acte concernant un salarié dépendant d’une autre médecine du travail.
D’autre part, le médecin est accusé d’avoir rédigé un certificat de complaisance pour des faits qu’il n’aurait pas lui-même constatés.
Le médecin du travail est condamné par l’Ordre en première instance et en appel.
La décision est claire :
« (…) le médecin se prononce sur le bien-fondé d’un droit de retrait exercé huit mois auparavant dans des conditions, et sur un site, qu’il ne connaissait pas ; deuxièmement, [il] laisse entendre que la société ne respecterait pas ses obligations en termes de protection de la santé des salariés, sans préciser les éléments qui le conduisent à une telle suspicion, et qu’il aurait été à même de constater ; troisièmement, [il] reproche à la société un enchaînement « délétère» de « pratiques maltraitantes », sans, là encore, faire état de faits dont il aurait été le témoin ».
La décision rappelle également un principe simple :
« (…) un médecin, lorsqu’il établit un certificat médical, doit se borner à faire état de constatations médicales qu’il a effectuées ; que, s’il peut rapporter les dires de son patient relatifs aux causes de l’affection, ou de la blessure, constatées, il doit veiller à ne pas se les approprier, alors surtout qu’il n’aurait pas été en mesure d’en vérifier la véracité ; que les missions spécifiques confiées aux médecins du travail n’ont, ni pour objet, ni pour effet, de les dispenser du respect de ces obligations »
Cette décision est logique si on se réfère au Code de la santé publique qui indique :
Article R.4127-28 :
« La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite. »
Article R.4127-76 :
« L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. »
Conclusions :
- Tout lien même indirect avec le travail est interdit.
- Toute affirmation dans un document médical (dossier médical, certificat, etc.) par le médecin, qu’il n’a pu constater lui-même est interdite.
Benjamin Louzier
Avocat Associé