Délai de consultation du CE : deux décisions très favorables à l’employeur
On le sait, à l’issue du délai préfix qui lui est imparti pour rendre son avis, le comité d’entreprise qui ne s’est pas prononcé sur un projet pour lequel il a reçu des informations précises et écrites, est réputé avoir rendu un avis négatif.
Ce délai est :
- D’un mois dans le cas général ;
- Deux mois en cas de désignation d’un expert ;
- Trois mois en cas de saisine du CHSCT ;
- Quatre mois en cas de mise en place d’une ICCHSCT.
– Point de départ du délai : le jour ou le CE reçoit les documents mêmes incomplets
Dans une décision de principe (Cass. soc., 21 septembre 2016, n°15- 15-19003 FS-PBI), les juges considèrent que dès lors qu’au cours de la première réunion, un document d’information écrit avait été remis et qu’une présentation globale du projet avait eu lieu, permettant au CE de « mesurer l’importance de l’opération envisagée » et, le cas échéant, de saisir le président du TGI s’il estimait l’information communiquée insuffisante, le délai avait bien commencé à courir.
Il apparaît donc que le délai de consultation commence à courir dès lors que le comité a reçu des informations précises et écrites, peu important que celles-ci ne soient pas exhaustives dès la première réunion. Le président du TGI n’ayant pas été saisi de la demande de communication d’informations supplémentaires dans le délai réglementaire courant à compter de cette réunion, le recours du CE a donc été rejeté car tardif.
Conclusion : il faut remettre au CE un maximum de documents et ce le plus tôt possible (en annexe des convocations par exemple) afin de faire courir le délai.
– Le juge ne peut plus statuer sur une demande de suspension de la procédure si le délai de consultation est arrivé à expiration au jour où il rend sa décision
Dans un arrêt du 21 septembre 2016 (Cass. soc., 21 septembre 2016, n°15-13.363 FS-PBI), la Cour de cassation indique qu’un TGI ne peut plus statuer sur une demande de suspension de la procédure si le délai de consultation est arrivé à expiration au jour où il rend sa décision. Elle ajoute, dans une seconde décision datée du même jour, que le juge ne peut pas prolonger un délai de consultation déjà expiré.
L’affaire concernait un projet de création d’une entité managériale commune à deux filiales.
L’information/consultation avait débuté le 17 mars 2014, lors de la communication par l’employeur d’informations précises et écrites sur l’opération projetée. D’après l’employeur, à défaut d’accord, la phase de consultation devait s’achever un mois plus tard.
Le 23 avril, le CCE fait valoir que le projet devait être préalablement soumis à la consultation des CHSCT concernés, compte tenu de son impact sur les conditions de travail. Dès lors, le délai de consultation devait passer de un à trois mois.
L’employeur s’oppose.
Le CCE a saisi le président du TGI de Nanterre le 21 mai 2014 (soit dans le délai de consultation de trois mois), afin que soient ordonnées d’une part, la suspension de la mise en œuvre du projet et, d’autre part, celle de la consultation du comité jusqu’à ce que les CHSCT concernés aient été consultés.
Le TGI a fait droit à ces demandes par une ordonnance du 9 juillet 2014 (passé donc le délai de trois mois).
La cour d’appel de Versailles confirme.
Cassation : pour la Haute juridiction, le premier juge ne pouvait plus statuer sur les demandes de suspension dès lors que le délai de trois mois dont disposait effectivement le CCE pour donner son avis sur le projet était expiré à la date à laquelle il s’est prononcé. Le délai de trois mois avait en effet commencé à courir à compter de la remise d’informations précises et écrites par l’employeur (c’est-à-dire le 17 mars 2014), tandis que l’ordonnance était intervenue près de quatre mois après.
La Cour de cassation rejoint ainsi la position adoptée par certaines juridictions du fond qui considèrent que le juge ne peut plus suspendre ou prolonger un délai de consultation qui est déjà expiré (v. TGI Nanterre, 10 février 2015, n°15/00195), quitte à faire peser les délais de jugement sur le comité.
Conclusion : Il faut communiquer au plus tôt un maximum de documents au CE pour faire courir les délais de consultation du CE car il s’agit de délai préfix. Le juge doit statuer dans le délai, ce qui sera difficile compte tenu des délais d’audiencement habituels. Ce sera un moyen de procédure efficace pour l’employeur.
Benjamin Louzier
Avocat Associé