La notion de « dirigeants » d’une société par actions simplifiée précisée par la Cour d’appel de Paris
(CA Paris 23 février 2016 n° 14/24308, ch. 5-8, SA EPF Partners c/ L.)
L’article L.227-8 du Code de commerce dispose que les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée. Cette disposition légale ne serait source d’aucune difficulté particulière si la notion de dirigeant était définie, mais ce n’est malheureusement pas le cas.
Devant le silence de la loi, la Cour d’appel de Paris est venue préciser les contours de cette notion dans un arrêt rendu le 23 février 2016.
Dans cette affaire, la Cour a considéré que les membres d’un comité de surveillance de SAS devaient être considérés comme des dirigeants de la société dès lors qu’ils étaient investis d’un véritable pouvoir de décision.
En l’espèce, le président d’une société par actions simplifiée, en poste depuis 2002, était révoqué par le comité de surveillance le 21 août 2008 aux motifs de résultats insuffisants, de difficultés de trésorerie et d’un incident avec un client majeur. L’octroi d’une indemnité de révocation conventionnelle à son profit était décidé par le comité.
Compte tenu des difficultés financières de la société, une solution alternative était proposée par le nouveau président afin d’honorer l’indemnité conventionnelle du président révoqué. Ce dernier contestait ce procédé de paiement et obtenait en partie gain de cause en faisant pratiquer une saisie attribution sur les comptes de la société.
Une procédure de liquidation judiciaire était ensuite ouverte à l’égard de la société et l’ancien président déclarait sa créance à hauteur de 119.870,21 euros.
Considérant que le défaut de paiement de sa créance à la date d’ouverture de la liquidation judiciaire résultait d’une faute des membres du comité de surveillance, l’ancien président a fait assigner ceux-ci devant le tribunal de commerce de Paris pour être indemnisé de son préjudice. Le tribunal de commerce a fait droit à ses demandes et condamné solidairement les membres du comité de surveillance, qui ont interjeté appel du jugement.
La Cour d’appel a confirmé que les membres du comité de surveillance avaient la qualité de dirigeants de la société au motif que dès lors que le pacte d’associés prévoyait que les membres du comité de surveillance étaient investis d’un pouvoir de décider et d’autoriser « toute opération ou engagement (y compris hors bilan) sortant du cadre du budget de fonctionnement approuvé, d’un montant supérieur à 15.000 euros« , ceux-ci devaient être qualifiés de dirigeants de droit de la société aux côtés du président.
En revanche, la Cour a infirmé le jugement en ce qu’il avait retenu le responsabilité solidaire des membres du comité de surveillance au motif que la décision (i) de renégocier les termes du protocole d’accord conclu avec le président révoqué et (ii) d’échelonner le versement du montant de l’indemnité convenue a été prise par le nouveau président, et que cette décision n’exigeait pas d’autorisation préalable du comité puisqu’il ne s’agissait pas d’engager la société dans une dépense supérieure à 15.000 euros mais au contraire de différer le paiement d’une créance par un jeu d’écritures comptables.
Cet arrêt mérite une attention particulière car il pose en principe que les membres de tout organe collégial instauré dans une société par actions simplifiée sont susceptibles d’être considérés comme des dirigeants de celle-ci (avec toutes les conséquences que cela implique en termes de responsabilité), dès lors qu’ils ne sont pas cantonnés à un rôle de surveillance et de conseil, mais au contraire investis, par les statuts ou tout autre acte extrastatutaire, d’un pouvoir de décision et d’autorisation de certaines décisions pouvant être prises par la société ou ses mandataires sociaux.
Jérôme Albertin
Avocat à la Cour