Transport public de voyageurs : le nouveau droit des gares routières (enfin) !

Transport public de voyageurs : le nouveau droit des gares routières (enfin) !

1- Les gares routières de voyageurs étaient les oubliées du droit moderne des transports.

En effet, les gares routières de voyageurs étaient, jusqu’au 29 janvier 2016, encore régies par une vieille Ordonnance du 24 octobre 1945 (n° 45-2497).

Cette Ordonnance avait, certes, subi quelques modifications durant les 70 années de son existence (et au demeurant principalement dans les années 70-80), mais elle traduisait un cadre juridique reflétant l’intervention, pour ne pas dire le dirigisme, économique de la puissance publique.

Cette réglementation, peu lisible et devenue inadéquate voire contradictoire au regard de l’évolution de nombreuses autres règles, et notamment particulièrement dans le domaine des transports publics et du transport de voyageurs, emportait de nombreuses difficultés tant pour les exploitants de gares routières que pour les utilisateurs commerciaux (transporteurs) et les usagers.

Les difficultés et interrogations que suscitaient l’Ordonnance de 1945 sur les gares routières de voyageurs n’ont cependant plus lieu d’être puisqu’elle est désormais abrogée (par l’article 11 de l’Ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux gares routières et à la recodification des dispositions du code des transports relatives à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières).

2- Les gares routières de voyageurs (ci-après GRV) sont en effet désormais régies par le Chapitre IV (« Gares et autres aménagements de transport routier »), lequel est inséré au Livre III (« Transport routier ») du Livre Ier (« Le transport routier de personnes ») du Titre Ier (« Les transports publics collectifs ») du Code des transports.

L’ensemble de la législation « opérationnelle » relative aux gares routières de voyageurs est ainsi regroupé et rénové aux articles L.3114-1 à L.3114-15 du Code des transports.

Cette législation est (pour l’essentiel) organisée en 3 Sections :

  1. comportant des « dispositions générales » définissant les GRV et les installations (aménagement) assimilées ;
  2.  arrêtant les conditions et modalités d’« exploitation » des GRV en instaurant notamment un régime déclaratif ;
  3.  spécifiant des règles propres à la « régulation » en instituant l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires et Routières (ci-après ARAFER) comme une autorité majeure et incontournable pour l’ensemble des acteurs concernés.

3- Le nouveau régime juridique applicable aux gares routières de voyageurs (ou tout aménagement permettant la prise en charge ou la dépose de passagers de services réguliers de transport routier [hors scolaire]) emporte de nombreuses conséquences, dont quelques-unes sont immédiates et doivent ainsi être appréhendées par les exploitants et les transporteurs routiers de voyageurs.

3.1-    Tout d’abord les exploitants d’« aménagements voyageurs de transport routier » ont à se déclarer auprès de l’ARAFER dans les trois mois qui viennent (cf. art. 12 de l’Ordonnance du 29 janvier précitée).

Toutefois les modalités de cette déclaration n’étant pas encore définies, les exploitants (publics et privés) doivent se tourner vers l’ARAFER pour les connaître (ou, à défaut, déterminer au regard des textes édictées les informations essentielles devant lui être communiquées dans ce délai).

3.2-    Ensuite, chaque exploitant d’une GRV doit vérifier sa situation actuelle afin de déterminer s’il relève des obligations spécifiques en matière :

  • de tenue d’une comptabilité propre et distincte (s’il exerce par ailleurs une autre activité – cf. art. L.3114-5 C. Transp.) ;
  • de définition et de mise en œuvre de règles, qui devront être diffusées à toute entreprise de transport public routier, et qui auront pour objet de permettre et de garantir un accès transparent, objectif et non discriminatoire à l’aménagement et aux services qui y sont associés (cf. art. L.3114-6 C. Transp.), notamment par l’organisation de « procédure publique permettant l’allocation des capacités non utilisées » aux entreprises de transport ;
  • de traitement des demandes faites par les entreprises de transport public routier (cf. art. L.3114-7 C. Transpo.).

Là encore, les exploitants ont seulement trois mois pour se préparer à l’application de ces nouvelles exigences (cf. art. 12 de l’Ordonnance du 29 janvier précitée), étant indiqué que :

  • des dispositions d’application pourraient/devraient être prises par l’ARAFER (ce qui met les acteurs concernés mais devraient pouvoir leur faciliter la situation à court terme) ;
  • les exploitants ont d’ores et déjà l’obligation d’appliquer ces règles « dans le respect des principes définis » à l’article L.3114-6 C. Transp. (ce qui les oblige notamment à réfléchir à la mise en place de « procédures publiques » pour l’allocation des capacités exploitables au sein des GRV.

Le pendant inverse directe de ces nouvelles dispositions, pour les entreprises de transport routier de personnes, consiste donc à solliciter les exploitants d’« aménagements voyageurs de transport routier » pour qu’ils leur en ouvrent l’accès, à des conditions transparentes et non discriminatoires.

3.3-    Enfin, tant les exploitants (public ou privé) que les entreprises de transport routier de personnes doivent appréhender, à bref délai, les règles nouvelles de la régulation, ainsi que la mission et le rôle de l’ARAFER.

En effet, l’ARAFER est désormais chargée du contrôle de l’utilisation (au sens large) des « aménagements voyageurs de transport routier » et des acteurs concernés.

Elle dispose à cet égard de pouvoirs d’investigation importants et de pouvoirs contraignants que les acteurs devront rapidement d’abord connaitre mais aussi ensuite bien appréhender dès lors qu’ils touchent aussi bien :

  • à la création et au maintien des « aménagements voyageurs de transport routier » (cf. art. L.3114-13 C. Transp.) ;
  • au contrôle de leur exploitation (art. L.3114-12 C. Transp.) et de leur accessibilité (art. L. 3114-8 C. Transp.) ;
  • mais aussi à la transparence des informations les concernant (art. L.3114-10 et L.3114-11 C. Transp.).

3.4-    Il doit aussi être mentionné, à ce stade et pour mémoire, que l’Ordonnance du 29 janvier 2016 instaure et régie également les sanctions administratives applicables dans ce domaine.

4- Il convient par ailleurs de relever que ce nouveau régime des « aménagements voyageurs de transport routier » emporte des effets au-delà du seul secteur du transport routier de voyageurs et qui sont susceptibles à ce titre de concerner de nombreux opérateurs économiques « périphériques ».

En effet, en conséquence du nouveau régime juridique applicable aux GRV :

  • le droit de l’aménagement commercial est adapté, les gares routières de voyageurs étant assimilées aux gares ferroviaires situées sur le domaine public en centre-ville pour ce qui concerne l’application du seuil de 2.500 m² requis pour les autorisations d’exploitation commerciale (cf. art. L.752-2 III du Code de commerce) ; l’enjeu est ici important pour les gestionnaires du domaine public ainsi que pour les opérateurs commerciaux en lieux de flux au regard de l’implantation de commerces dans l’enceinte des GRV ;
  • le droit de l’urbanisme est aussi (et en conséquence) adapté au niveau du « règlement national d’urbanisme » en fixant des règles spécifiques pour l’emprise au sol des surfaces affectées aux aires de stationnement des commerces soumis à autorisation d’aménagement commercial et cinématographique dont seront déduites les surfaces d’« aménagements voyageurs de transport routier » (art. L.111-19 du Code de l’urbanisme) ; l’enjeu est ici important pour les acteurs de l’aménagement commercial ainsi que pour les autorités administratives qui doivent adapter leur règles locales d’urbanisme en conséquence ;
  • le droit de la publicité (enseignes et pré-enseignes) est également adapté pour étendre l’autorisation de publicité à l’intérieur de l’emprise des gares routières de voyageurs (cf. art. L.581-7 du Code de l’environnement) ; l’enjeu ici très important tant pour les exploitants (qui pourraient y trouver une source complémentaire de revenue) que pour les professionnels de la publicité qui pourraient trouver matière à étendre leur activité dans des lieux nouveaux en dehors d’agglomération …

Il convient par ailleurs et incidemment de relever que ce nouveau régime intéresse et impacte également les Autorités Organisatrices de Transports dès lors qu’elles sont concernées, es-qualité, de près ou de loin par des gares routières de voyageurs et notamment lorsqu’elles confient à des opérateurs privés l’exécution de mission de transport (étant indiqué que l’article L.3114-2-1 C. Transp. réserve une spécificité en matière de création de GRV à l’occasion de l’exécution de missions de service public visée à l’article L.1211-4 C. Transp.).

5- En conclusion et de façon immédiates, les nouvelles dispositions relatives aux gares routières de voyageurs, qui appellent des dispositions d’application, obligent les acteurs directement concernés à s’y intéresser et à s’y adapter rapidement compte tenu des nouvelles obligations mais aussi des nouvelles opportunités qu’elles ouvrent et offrent aux opérateurs économiques.

Alexandre Le Mière
Avocat associé

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