Catégories professionnelles – critères d’ordre et PSE : la mauvaise définition entraîne la nullité.
Le 8 octobre 2015 (CAA Versailles, 4e ch., 8 octobre 2015, n° 15VE02312), la cour administrative d’appel de Versailles a annulé l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de SAP France, considérant que l’employeur n’avait pas défini correctement les catégories professionnelles servant de cadre d’application aux critères d’ordre des licenciements.
Il est de principe que les critères d’ordre des licenciements s’appliquent par « catégorie professionnelle » : c’est parmi les salariés relevant de la même catégorie, que s’opérera le choix, objectif, entre ceux qui quitteront l’entreprise et ceux qui seront épargnés par la procédure. La notion de catégorie professionnelle, évoquée par le Code du travail (C. trav., art. L. 1233-5, L. 1233-24-2), n’a toutefois pas reçu de définition légale et c’est donc la jurisprudence judiciaire qui s’est, la première, attelée à cette tâche, en liant similitude des fonctions et formation professionnelle commune. Dans cet arrêt du 8 octobre, la cour administrative d’appel (CAA) de Versailles s’approprie la définition du juge judiciaire et fait entrer cet élément dans le contrôle de la Direccte lorsque la procédure de licenciements collectifs nécessite la mise en œuvre d’un PSE. L’employeur doit alors veiller à procéder au bon découpage et à ne pas multiplier artificiellement le nombre de catégories professionnelles, au risque de se voir refuser l’homologation ou, comme en l’espèce, de voir celle-ci annulée par le juge administratif.
Pour la CAA, « appartiennent à une même catégorie professionnelle, au sens de l’article L. 1233-5 du Code du travail, les salariés qui exercent des fonctions de même nature et qui ont une formation commune ». Au besoin, cette formation commune peut résulter d’une action d’adaptation, l’arrêt ajoutant, en effet, que « doivent être regroupés au sein d’une même catégorie professionnelle tous les emplois accessibles à tous les salariés de l’entreprise moyennant, le cas échéant, une formation d’adaptation ».
Il s’agit d’une reprise des termes de la jurisprudence Samaritaine, selon laquelle « la notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements, concerne l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune » (Cass. soc., 13 février 1997, n° 95-16.648).
Sur la base de cette définition, la CAA reproche ici à l’employeur d’avoir artificiellement réparti entre plusieurs catégories professionnelles, des emplois qui auraient dû être regroupés au sein d’une même catégorie, empêchant ainsi l’application pleine et entière des critères d’ordre. À titre d’exemple, l’arrêt constate que « les emplois de « business development chief expert » et “business development expert”, qui sont classés dans la catégorie “expert support vente”, et les emplois de “business development senior specialist” et de “business development specialist” qui relèvent de la catégorie « support vente », auraient dû, au regard des fonctions et du niveau de formation et d’expérience requis pour chacun d’eux, figurer dans une même catégorie ». Le risque est, en effet, en définissant des catégories professionnelles multiples et réduites, de prédéterminer les salariés à licencier, alors même que le licenciement économique est par définition non inhérent à la personne du salarié (C. trav., art. L. 1233-3).
La sanction d’une définition incorrecte :
« En répartissant les postes impactés par le plan de sauvegarde de l’emploi entre des types d’emplois qui ne répondent pas à la notion de catégorie professionnelle », l’entreprise est considérée comme ayant méconnu les dispositions relatives à l’ordre des licenciements (C. trav., art. L. 1233-5). En conséquence, « le Direccte n’aurait pas dû homologuer le document unilatéral » et sa décision est annulée.
Cet arrêt permet aux salariés licenciés de saisir le juge prud’homal afin d’obtenir des dommages-intérêts.
CAA Versailles, 4e ch., 8 octobre 2015, n° 15VE02312.
Benjamin Louzier
Associé, Redlink