Cession de fonds de commerce et rupture des relations commerciales
L’article L442-6 I 5° du Code de commerce prévoit une responsabilité délictuelle de l’auteur d’une rupture de relations commerciales établies réalisées sans préavis écrit suffisant au regard de la durée de la relation. A défaut, il est condamné à indemniser la victime de la rupture de la marge brute que son cocontractant aurait réalisée si le préavis avait été respecté. Cette règle s’applique même en cas de pluralités de contrat ou de changement de personnes morales contractantes. <
Dans son arrêt du 15 septembre 2015 (n°14-17964), la Cour de cassation avait à juger d’une rupture de relations commerciales intervenue à l’initiative d’un cessionnaire de fonds de commerce. En l’espèce, le prestataire de transport travaillait avec le propriétaire d’un fonds depuis 1988. Fin 2005, ce propriétaire met son fonds en location gérance puis le cède au locataire gérant six mois plus tard. Quinze jours après la cession, le nouveau titulaire du fonds, résilie le contrat de transport avec un préavis de plus de 5 mois. Le transporteur a alors assigné le cessionnaire du fonds prétendant qu’il avait poursuivi les relations commerciales de 18 ans et sollicitant 250.000 euros au titre de l’indemnisation de la rupture brutale.
La Cour de cassation a rejeté cet argument et estime que la cession de fonds de commerce n’emporte pas de plein droit substitution du cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales entretenues avec le transporteur. Elle précise qu’à défaut d’intention réelle du cessionnaire de poursuivre la relation commerciale initialement nouée, le préavis dont devait bénéficier le prestataire n’avait pas à être déterminé en considération de la relation précédente.
Il s’agit ici d’un arrêt d’espèce fortement motivé par les conditions factuelles dans lesquelles la rupture est intervenue (six mois de location gérance et résiliation 15 jours après la cession du fonds). Il n’est pas certain que la solution aurait été la même si le cessionnaire avait résilié le contrat de transport dans les mois ou années suivant la cession. Néanmoins il permet de mesurer l’importance de l’insertion dans les actes de cession de fonds de la liste des contrats que le cessionnaire entend expressément reprendre ou au contraire qu’il ne souhaite pas poursuivre.
Emmanuelle Behr
Avocat Associée