L’obsolescence programmée, sortie par la fenêtre, rentrée par la porte : Projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV)
Alors que les débats se poursuivent sur la loi de transition, le Sénat vient de régler pour le moment la question de l’obsolescence programmée.
On se souviendra que, lors de débats sur la loi sur la consommation (dite « Hamon ») le ministre s’était pourtant montré défavorable à une telle sanction (débats AN 12 juin 2014, notamment sur l’amendement Bonneton), après avoir seulement rappelé la funeste affaire du cartel Phoebus des années 1930 aux Etats-Unis. Pour le ministre, au contraire, certains « cycles d’innovation technologique rendent un équipement rapidement obsolète, mais créent simultanément de la valeur, de la croissance et des emplois. Enfin, les campagnes de publicité et le marketing induisent parfois une impression subjective d’obsolescence qui ne correspond pas toujours à la réalité. » et il ajoutait finalement : « la création d’un délit d’obsolescence programmée – dont vous proposez au demeurant une définition trop restrictive – ne se justifie pas ». D’ailleurs, l’obligation nouvelle d’informer les consommateurs sur la période de disponibilité des pièces détachées indispensables, protégeait les consommateurs (article L.111-3 C.Cons. et Décret n° 2014-1482 du 9 décembre 2014). Pour le ministre Benoît Hamon, « le délit correspondant à la définition restrictive de l’obsolescence programmée que vous proposez est déjà sanctionné en tant que tromperie sur la qualité substantielle des biens. »
Pourtant, le texte s’est à nouveau glissé dans le projet de loi TECV à la suite d’un amendement Alauzet devant l’Assemblée nationale, approuvé par la commission du développement durable, mais en estimant « qu’il convenait de ne pas insérer l’obsolescence programmée dans l’article relatif à la tromperie, et de prévoir plutôt une section au sein du code de la consommation dédiée à ce délit et le sanctionnant de manière spécifique. », puis en définissant l’obsolescence programmée comme « tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique ». La Commission a conclu en indiquant que « la notion de stratagème, avec volonté délibérée de réduire la durée de vie du produit devient le caractère central de la définition. ».
C’est ce texte finalement rassurant qui a été adopté le 18 février 2015 (Art. L. 213-4-1 du code de la consommation : « L’obsolescence programmée se définit par tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique. », sanction deux années d’emprisonnement ; 300 000 euros d’amende). La qualification pénale imposera une interprétation stricte des conditions posées par le texte et des termes employés, à savoir : « stratagème » (soit une ruse de guerre, ruse, feinte, manœuvre, moyen artificieux dont on use dans toutes sortes d’affaires, selon le 8ème dictionnaire de l’Académie française), « durée de vie », « sciemment réduite », « durée d’usage », « pour des raisons de modèle économique ». La tâche sera rendue plus ardue par la recherche de l’auteur de l’infraction.
Frédéric Fournier
Avocat Associé