Production des pièces de la procédure devant l’Autorité de la concurrence.
Dans un arrêt de la cour d’appel de Paris (Chambre 4, pole 5, 24 septembre 2014, RG n°12/06864 ; « Eco-emballages et Valorplast / DKT »), rendu à la suite de la procédure d’engagements, la société DKT a introduit une demande de réparation du dommage concurrentiel.
Ce qui est remarquable dans cette affaire c’est qu’avant de dire droit, le tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2012, a fait injonction à l’Autorité de la concurrence de produire certaines pièces de son dossier d’instruction, alors même que DKT, partie à la procédure devant l’Autorité, détenait elle-même les dites pièces.
Cette injonction est d’autant plus étonnante au regard de la célébrissime décision « Semavem » qui, en application de l’article L. 463-6 du Code de commerce, avait énoncé que les pièces couvertes par le secret de l’instruction devant l’Autorité ne sont exploitables dans le cadre d’une procédure judiciaire que si elles sont nécessaires à l’exercice des droits de la défense de la partie qui les produit.
Pour contrer la décision Semavem, c’est en application de l’article 138 du Code de procédure civile que la société DKT a invité le Tribunal de commerce à enjoindre lui-même l’Autorité de lui communiquer certaines pièces du dossier d’engagement. Le tribunal s’est soustrait à l’invitation du demandeur à l’instance.
Les défendeurs à l’instance en réparation – Eco-emballage et Valorplast – ont interjeté appel, sollicitant la nullité du jugement, en ce qu’ils estimaient que les premiers juges avaient commis un excès de pouvoir en enjoignant à l’Autorité de lui communiquer les pièces.
Dans ces conclusions, l’Autorité de la concurrence, adoptant une lecture bilatérale, de la jurisprudence Semavem, estimait que la demande d’injonction de production de pièces est dépourvue d’objet et de raison d’être, dans la mesure où la partie disposant des pièces peut les produire à condition d’établir qu’elles étaient nécessaires à l’exercice des droits de sa défense et que la position d’appelant ou d’intimé est sans conséquence sur la solution à donner au litige.
La Cour d’appel a considéré que la solution posée par l’arrêt Semavem s’applique aussi bien au défendeur qu’au demandeur et jugent que « considérant toutefois que dès lors que les pièces demandées sont détenues par la partie qui entend en faire état au soutien de ses intérêts, l’injonction de communication a pour conséquence de contraindre un tiers, en l’espèce l’Autorité, à verser aux débats sans aucun motif et en dehors de l’hypothèse dans laquelle l’article 138 du code de procédure civile le permet, des pièces couvertes par le secret de l’instruction auquel se trouvent soumis, en application de l’article L. 463-6 du code de commerce, l’Autorité de la concurrence et ses membres et ce, sans respecter leur empêchement légitime ; que le tribunal de commerce ne pouvait statuer comme il l’a fait sans excéder ses pouvoirs ; que le jugement sera annulé pour excès de pouvoir ».
Ainsi, la Cour d’appel de Paris autorise le demandeur à une action en réparation à produire directement les pièces issues du dossier de l’Autorité de la concurrence, sans que l’autorité judiciaire en face injonction à cette dernière, ce qui outre passerait ses pouvoirs.
Frédéric Fournier
Avocat Associé