Le départ à la retraite n’est pas incompatible avec une prise d’acte
Cass Soc 15 mai 2013 ; 11-26.784
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail, ou démission motivée, consiste, pour un salarié, à solliciter la rupture de son contrat de travail en précisant que cette dernière est la conséquence de fautes commises, selon lui, par son employeur.
Le salarié doit alors saisir le Conseil de Prud’hommes afin que la juridiction statue sur la qualification de la rupture du contrat de travail. La juridiction précise alors si la rupture du contrat de travail s’apparente en une démission privative de toute indemnisation ou en un licenciement prononcé aux torts exclusif de l’employeur, entrainant une indemnisation corrélative. Dans cette dernière hypothèse, la condamnation de l’employeur interviendra si des circonstances antérieures ou contemporaines au départ ont placé le salarié dans l’impossibilité de poursuivre l’exécution de son contrat de travail, rendant équivoque le départ du salarié.
Par ailleurs, il ressort de l’article L.1237-9 du Code du travail qu’un salarié quittant volontairement une entreprise afin de bénéficier d’une pension vieillesse à taux plein peut solliciter le versement d’une indemnité de départ à la retraite.
En l’espèce, un salarié VRP a, par lettre adressée à son employeur, fait part de sa volonté de quitter la société afin de faire valoir ses droits à pension vieillesse. Néanmoins, le salarié a précisé que cette rupture intervenait, selon lui, de façon anticipée, tout en dressant une liste de fautes qu’il reprochait à son employeur, telles qu’une modification unilatérale à la baisse de son taux de commissionnement.
L’employeur soutenait, de son côté, que le départ à la retraite du salarié traduisait une volonté claire de sa part de quitter l’entreprise, incompatible avec une prise d’acte de la rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel en précisant que le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Cette définition s’apparente à celle de la démission.
Par ailleurs, la Cour de cassation précise que lorsque :
« le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu’à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’un départ volontaire à la retraite ».
En l’espèce, la Cour de cassation considère que la modification des taux de commissionnement avait été imposée unilatéralement par l’employeur, requalifiant ainsi la prise d’acte en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation précise néanmoins que si le salarié a été contraint de solliciter la rupture de son contrat de travail, il avait bien évidemment donné son consentement à cette rupture.
Deborah FALLIK
Avocat à la Cour