Un changement de dirigeant ne justifie pas (en soi) une rupture brutale de contrat
Le 16 février 1999, deux ans après le début de leur relation commerciale, une société Castes Industrie, spécialisée dans les produits de menuiserie et ayant développé une gamme de fenêtres en PVC, bois et aluminium, conclut avec une société SEEB une convention de « distribution et de licence de marque » au terme de laquelle Castes confiait à Seeb dans un secteur géographique donné l’exclusivité de la vente des produits contractuels et la licence de sa marque « La boutique du menuisier ».
En 2007, la société Castes apprit qu’à la suite d’une cession totale de parts, l’intégralité du capital social de Seeb était désormais détenu par son actionnaire unique. Or, cette situation avait entraîné un changement de dirigeant. Ne goûtant pas la personnalité du nouveau dirigeant, Castes informa Seeb par courrier recommandé du 13 décembre 2007 que l’accord de 1999 était devenu caduc et notifiait donc la fin de leur relation commerciale sans préavis.
La société Seeb assigna son ancien partenaire commercial sur le fondement de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce devant le Tribunal de commerce de Rodez. Déboutée, elle fit appel en faisant valoir que nonobstant le changement de dirigeant, la convention n’avait pas été conclue en considération de la personne de celui-ci et que rien dans le contrat ne permettait la résiliation en pareil cas.
La Cour d’appel fit droit à cette argumentation et condamna la société Castes au paiement d’une somme de 200.000 Euros au titre de dommages et intérêts pour rupture brutale [Montpellier, 2e ch., 17 mai 2011, RG n° 2208/728].
Par un arrêt du 29 janvier 2013, la Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel : en raison du principe d’autonomie de la personne morale, cette dernière reste inchangée en dépit de la cession des droits sociaux ou du changement des dirigeants. La Cour interdit ainsi, en l’absence de stipulations contractuelles en ce sens, et sans pour autant remettre en cause le caractère intuitu personae du contrat, de prendre en compte la personnalité du dirigeant derrière l’écran de la personnalité morale, dont elle rappelle ici l’opacité. [Cass. com., 29 janvier 2013, pourvoi n° 11-23.676, SAS Castes Industrie / SARL SEEB]
Charles Méteaut
Avocat à la Cour