Marché public : les candidats doivent s’en tenir aux exigences posées par l’acheteur public
Les exigences imposées par un acheteur public lors d’une consultation doivent être précisément appréhendées autant par l’acheteur lui-même que par les candidats au marché public ainsi que par les juges.
1. Le Conseil d’Etat continue d’insister, à travers de sa jurisprudence, auprès des acteurs de la commande publique pour leur rappeler d’une part que c’est à l’acheteur public de définir son processus et ses paramètres d’achat et d’autre part que cet acheteur public, les candidats et le juge sont tenus (sauf illégalité) par les choix qu’il a ainsi opérés et exprimés dans les documents de la consultation.
2. Dans un arrêt Caisse des Ecoles de Six-Fours-les-Plages (CE, 23 mars 2012, req. n° 355439), le Conseil d’Etat a (sur ce point) confirmé une ordonnance ayant annulé la procédure de passation d’un marché public dans laquelle l’acheteur n’avait pas respecté ses propres exigences.
Le marché à attribuer portait sur la fourniture et livraison en liaison froide de repas destinés à la restauration scolaire. Les candidats susceptibles de répondre à l’appel d’offres pouvaient notamment être exploitants d’une cuisine centrale publique ne leur appartenant pas.
Dans cette hypothèse, l’acheteur public avait exigé des candidats de justifier, pièces à l’appui, qu’ils étaient autorisés à l’utiliser pour le compte de tiers.
L’exigence posée par l’acheteur public était précise tant dans sa formulation que dans la façon d’en justifier dans le cadre de l’appel d’offres.
Or, il ressort de la décision que le candidat attributaire s’était seulement borné à produire une attestation faisant état d’un contrat le liant à la personne publique lui ayant confiée par ailleurs l’exploitation de la cuisine centrale publique dont il se prévalait pour l’exécution du futur marché. Cette attestation ne faisait pas mention d’une quelconque autorisation.
Le candidat n’avait donc pas fait état de l’autorisation d’exploitation pour le compte de tiers, ni n’avait produit aucun élément dans ce sens conformément aux demandes formulées par l’acheteur public dans les documents de la consultation.
L’acheteur public aurait donc dû rejeter l’offre de ce candidat et ne pas lui attribuer le marché.
Le Conseil d’Etat considère donc d’une part que le juge de 1ère instance s’en est strictement et normalement tenu aux exigences précises posées par l’acheteur public et d’autre part confirmé que l’attributaire avait vu son offre irrégulièrement retenue.
3. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a toutefois annulé la décision de 1ère instance dans la mesure où elle avait annulé l’intégralité de la procédure.
En effet, le juge du référé précontractuel ne doit annuler que ce qui est illégal : si une partie de la procédure seulement est irrégulière, le juge du référé précontractuel doit annuler cette seule partie et inviter l’acheteur public à reprendre sa procédure (s’il le souhaite).
Or, en l’espèce, l’irrégularité constatée à l’origine de l’illégalité de la procédure portait sur l’absence d’autorisation d’exploiter une cuisine centrale publique pour le compte d’un tiers : cette irrégularité résultait seulement de l’offre du candidat attributaire.
Le Conseil d’Etat rappelle donc que la procédure n’aurait pas dû être entièrement annulée : elle aurait dû être reprise au stade de l’examen des offres.
Soulignons que cette solution est à la fois pragmatique et juste.
Pragmatique, parce qu’elle évite d’anéantir l’ensemble du processus d’achat mené par l’acheteur public qui n’est pas entièrement illégal ce qui lui permet de reprendre et faire aboutir son projet purgé de ses éventuelles imperfections.
Juste parce qu’elle évite de donner une prime à celui qui a commis l’irrégularité : en effet, en annulant toute la procédure, il était alors permis au candidat dont l’offre était imparfaite de revenir dans la course à l’occasion du nouvel appel d’offres.
En revanche, en l’annulant seulement au stade de l’irrégularité commise, l’attributaire se retrouve hors course et le candidat évincé qui a fait valoir ses droits n’a pas saisi la justice pour rien.
Alexandre Le Mière
Avocat associé