Cerise : un pépin pour Groupama
La Cour d’appel de Paris a rendu le 27 mai dernier un arrêt intéressant en matière de création de personnages publicitaires. En l’espèce, la société Groupama avait demandé en 2003 à son agence de publicité d’alors, Young & Rubicam, de créer un personnage qui serait le héros de ses campagnes de communication.
C’est dans ce cadre que l’agence Young & Rubicam a créé « Cerise », un personnage féminin qui a vanté les services de Groupama à la télévision pendant quatre ans… jusqu’à ce que Groupama ne cesse ses relations avec Young & Rubicam en 2007.
Dès lors, Groupama a choisi une autre agence de publicité, Jump, qui a développé des campagnes mettant également en scène un personnage prénommé « Cerise » mais dont les traits physiques et la personnalité avaient été modifiés.
Le litige est né d’une clause du contrat conclu entre Groupama et Young & Rubicam qui prévoyait, certes, une cession des droits de propriété intellectuelle sur les créations au profit de l’annonceur, mais qui stipulait également que ce dernier devrait verser à l’agence une commission sur les achats d’espaces publicitaires dans l’hypothèse où ces créations continueraient à être exploitées.
En l’occurrence, Young & Rubicam a considéré que le personnage de « Cerise », qu’elle avait créé, continuait à être exploité et que cette clause devait donc donner lieu au versement de redevances par Groupama.
En première instance, le Tribunal de commerce de Paris a donné gain de cause à l’agence et la décision vient d’être confirmée en appel. En effet, la Cour a considéré que le personnage de « Cerise » tel qu’exploité à ce jour par Groupama, c’est-à-dire notamment une demoiselle blonde, était une déclinaison du personnage original, autrement dit, en droit d’auteur, une oeuvre dérivée.
Selon l’arrêt, « le personnage d’origine subsiste dans son rôle central à partir duquel se construit le message publicitaire ; il est pareillement prénommé CERISE ; le personnage actuel de CERISE emprunte dès lors à l’oeuvre préexistante et constitue en conséquence une oeuvre dérivée par adaptation de l’oeuvre première, voulue en raison de l’évolution de la campagne publicitaire ».
La Cour a donc jugé que l’exploitation de l’oeuvre initiale par adaptation, postérieurement aux relations contractuelles, devait susciter l’application de la clause contractuelle prévoyant une rémunération au profit de l’agence, ce qui, toutefois, ne remet pas en cause le principe selon lequel, classiquement, les signes d’identification d’une entreprise créés par une agence de publicité appartiennent définitivement à l’annonceur.
Dans ces conditions, reverra-t-on Cerise à la télévision ?
Matthieu Berguig
Avocat associé