L’agence de voyages en ligne n’est pas responsable de plein droit à l’égard du consommateur

L’agence de voyages en ligne n’est pas responsable de plein droit à l’égard du consommateur

Par un jugement du 25 novembre 2008, le Tribunal de Grande Instance de Paris a exclu l’application de l’article L. 121-20-3 du Code de la consommation à une agence de voyages en ligne commercialisant des « vols secs » (billets d’avion sans séjour).

Selon ce texte issu de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique du 21 juin 2004 (LCEN), « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui conclut ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci ».

La question s’est posée de savoir si une agence de voyages en ligne était ou non responsable de plein droit à l’égard des consommateurs qui ont conclu avec elle des contrats relatifs à des voyages.

En l’espèce, une famille avait passé commande auprès de la société Vivacances (devenue Opodo) de billets d’avion pour le Pérou. Il était prévu que le vol serait opéré par une société d’aviation brésilienne. Or, compte tenu de difficultés financières, cette dernière avait été contrainte de suspendre ses vols pendant les vacances de cette famille. Il en était résulté pour ces consommateurs des vacances raccourcies et l’obligation d’acheter des billets de retour auprès d’une autre compagnie aérienne. Ces consommateurs s’étaient alors retournés contre l’agence de voyages en ligne en invoquant l’article L. 212-20-3 précité, ainsi que contre le liquidateur de la compagnie aérienne.

L’agence de voyages réfutait toute responsabilité à cet égard en arguant du fait que ce texte lui serait inapplicable compte tenu des dispositions spécifiques du Code du tourisme, en particulier l’article L. 211-18 de ce Code, qui exclut toute responsabilité de plein droit du voyagiste au titre d’opérations de réservation ou de vente n’entrant pas dans un forfait touristique. Ceci concerne notamment l’achat de billets d’avion (vol sec).

Le Tribunal de Grande Instance de Paris, saisi de l’affaire, a débouté les demandeurs à l’encontre de la société Opodo : après avoir constaté que l’article L. 211-18 du Code du tourisme et l’article L. 121-20-3 du Code de la consommation consacraient deux régimes de responsabilité contraires en ce qui concerne les vendeurs de vols secs, il a considéré que le Code de la consommation énonçait un principe de portée générale qui trouvait une exception dans le Code de tourisme :

« c’est à juste titre que la société OPODO soutient qu’en vertu de l’adage generalia specialibus non derogant, l’article L. 121-20-3, qui a incontestablement une portée générale en ce qu’il s’applique sans distinction à toutes les professions fournissant à des consommateurs des produits ou services à distance et par voie électronique, ne peut déroger à une disposition spéciale antérieure à défaut de volonté expresse en ce sens de la loi LCEN du 21 juin 2004 ».

De la sorte, le Tribunal a considéré que l’article L. 121-20-3 du Code de la consommation n’était pas applicable en l’espèce et que la responsabilité de l’agence de voyages ne pouvait être engagée qu’en cas de faute prouvée.

Or le juge a considéré que la société Opodo n’avait commis aucune faute dans le cadre de l’exécution du mandat qui la liait à la compagnie aérienne : « si la société OPODO avait évidemment l’obligation de délivrer [aux demandeurs] des billets d’avion valables, sa responsabilité ne peut être engagée lorsque l’inefficacité des titres résulte de circonstances extérieures au contrat ».

En l’occurrence, ces circonstances résultaient de la situation financière de la société brésilienne Varig. Mais, selon le Tribunal, il ne pouvait être reproché à Opodo d’avoir commercialisé des billets sur cette compagnie dès lors que, si au moment de leur émission, cette société était déjà en redressement judiciaire, toujours est-il qu’elle était membre de l’association IATA qui assure le contrôle de la fiabilité des compagnies aériennes, en sorte qu’elle présentait des garanties suffisantes.

Le Tribunal a tout de même fait droit aux prétentions des demandeurs à l’égard de la société brésilienne : « la Varig [ayant] annulé ses vols des 16 juillet 2006 et 23 août 2006 Paris / Lima via Sao Paulo sur lesquels la famille [du demandeur] devait voyager, sans pouvoir lui offrir une solution de remplacement équivalente, elle a engagé sa responsabilité à ce titre sur le fondement de l’article 1147 du Code civil ».

Cependant, cette société étant en liquidation judiciaire, il est peu probable que les demandeurs obtiennent quoi que ce soit au final.

Summary in English: according to a judgment from the Paris Court of 25 November 2008, an online travel agency is not automatically liable for the cancellation of flights towards the consumers if it has not personally committed any breach of contract. Before this decision, there was a debate on the nature of the liability of online travel agencies. Now it has been ruled that the automatic liability of online professionals towards consumers set forth by the French Electronic Commerce Act of 21 June 2004 does not concern online travel agencies that distribute flight tickets, because of specific provisions in the field of tourism. As a consequence, in this case, the consumer can only seek for damages against the flight company.

Matthieu Berguig

Avocat à la Cour

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