Google condamnée pour concurrence déloyale en raison de son service AdWords
Alors que la question de la responsabilité de Google au titre d’actes de contrefaçon de marques du fait de son service de liens publicitaires « AdWords » devrait trouver prochainement une réponse grâce à la Cour de Justice des Communautés européennes saisie par la voie d’une question préjudicielle, le Tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 23 octobre 2008, a considéré que le moteur de recherche commettait, à tout le moins des actes de concurrence déloyale à cet égard.
Cette affaire opposait à l’origine deux revendeurs de produits électroniques et hifi, la société Cobrason, d’une part, et la société Home Ciné Solutions, d’autre part. La première avait constaté qu’une recherche sur le terme « Cobrason » sur le moteur de recherche de Google donnait lieu à l’affichage d’un lien sponsorisé au profit de son concurrent.
Ne disposant d’aucune marque, la société Cobrason avait assigné Home Ciné Solutions sur le fondement de la concurrence déloyale, invoquant également des actes de publicité de nature à induire en erreur et de publicité comparative illicite.
Comme d’habitude, la question du rôle de la société Google France, initialement assignée par Cobrason, s’est rapidement posée. La société de droit américain Google Inc., intervenante volontaire, soulevait en effet l’argument selon lequel Google France ne joue aucun rôle dans le cadre de l’exploitation du moteur de recherche dans la mesure où elle n’a qu’une mission de « point de contact » en France avec la clientèle.
La solution retenue ici par le Tribunal de commerce de Paris ne satisfera pas les amateurs de décisions originales puisque les magistrats consulaires ont choisi de faire leur une solution déjà retenue précédemment, quasiment citée in extenso (ce qui rapproche d’autant plus les décisions de cette juridiction des arrêts rendus en common law). Selon le Tribunal, Google France « apparaît et se comporte comme étant responsable de l’activité publicitaire du site Internet portant le même nom, Google France ». De la sorte, la demande de mise hors de cause de cette société doit être rejetée.
Cette solution, fondée exclusivement sur la notion d’apparence, n’est guère satisfaisante juridiquement. Elle a toutefois le mérite de faciliter l’exécution d’une éventuelle décision de condamnation.
Ce fut heureux, en l’occurrence, puisque le Tribunal a choisi d’entrer en voie de condamnation à l’encontre de Home Ciné Solutions et de Google.
Sans entrer de plain pied dans le débat sur le rôle exact tenu par Google, sauf pour exclure le régime de responsabilité des prestataires d’hébergement (reprenant également en cela une « jurisprudence établie »), le Tribunal s’est contenté de relever que Google était rémunérée grâce aux clics sur les liens affichés et qu’elle avait commis, selon le jugement, une faute en proposant le mot-clé « Cobrason » et en faisant apparaître le lien vers le concurrent de la société demanderesse.
Par ailleurs, le Tribunal a considéré que Google avait commis des actes de publicité trompeuse (c’est-à-dire des actes de publicité de nature à induire en erreur) au sens de l’article 121-1 du Code de la consommation.
En revanche, le grief de publicité comparative illicite n’a pas été retenu.
Au total, Google et Home Ciné Solutions ont été condamnées solidairement à payer à Cobrason une somme de 100.000 euros.
Voici une décision qui, tout en tentant de se référer à des décisions antérieures, apparaît assez maladroite, en particulier en ce qui concerne la caractérisation de la faute de Google. Notamment, elle ne tient pas compte du fonctionnement d’AdWords, qui propose des mots-clés en fonction des requêtes les plus fréquentes des utilisateurs du moteur de recherche.
Un appel est donc plus que probable.
Pour aller plus loin : T. Rabant et M. Berguig, Moteurs de recherche et liens sponsorisés : quand la jurisprudence se cherche…, Legipresse, Juin 2008, p. 83.
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour