La nouvelle loi relative à la lutte contre la contrefaçon
La loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, entrée en vigueur le 31 octobre 2007, transpose, avec retard, la Directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. C’est un texte important pour le droit de la propriété intellectuelle.
Cette loi a pour objectif d’améliorer les moyens juridiques de lutte contre la contrefaçon et d’harmoniser les règles spécifiques à chaque droit de la propriété intellectuelle. Elle couvre l’ensemble des droits de propriété intellectuelle (brevets, marques, dessins et modèles, droits d’auteur, topographies de semi-conducteurs, certificats d’obtentions végétales, appellations d’origine et indications géographiques) et modifie principalement les règles processuelles.
Les mesures prévues par la loi sont nettement plus répressives que la Directive, notamment en ce qu’elles ne sont pas limitées aux seules atteintes présumées commises à échelle commerciale, contrairement à ce que prévoit le texte communautaire.
La loi a non seulement renforcé les moyens d’action pour lutter contre ce fléau qu’est la contrefaçon, mais a également élargi l’éventail des sanctions pour réparer les atteintes aux droits subies par les victimes, en insistant plus particulièrement sur l’indemnisation.
I. Des moyens d’action renforcés : des mesures rapides et efficaces
1. Les mesures probatoires
1.1. La saisie-contrefaçon
La nouvelle loi opère une harmonisation du régime de la saisie-contrefaçon et une extension à certains droits (topographies de semi-conducteurs, indications géographiques).
Il est désormais possible d’obtenir sur requête une saisie réelle des produits supposés contrefaisants, ainsi que de saisir les « matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants ». Le délai pour agir en contrefaçon suite à la saisie-contrefaçon, initialement de 15 jours sera fixé par voie réglementaire.
1.2. Le droit à l’information
Il s’agit d’une des grandes innovations de la loi.
Désormais, le défendeur sera tenu de livrer les éléments d’informations sur l’origine des marchandises litigieuses, sur les circuits de distribution et sur l’identité des tiers impliqués dans la production et la distribution des objets contrefaisants (transitaire, transporteur, distributeur client, société d’entreposage, …).
Cette disposition a pour but de permettre aux juridictions saisies de démanteler les filières de contrefaçon. Reste à savoir si, en pratique, cette possibiltié laissée au juge sera effectivement suivie d’effets, étant donné l’omerta qui règne dans ce type de réseaux.
2. Les mesures provisoires
Dans un souci d’une plus grande rapidité et efficacité, la loi a mis en place un régime spécifique harmonisé pour tous les droits de propriété intellectuelle (brevets, marques, dessins et modèles, bases de données, produits semi-conducteurs, indications géographiques, obtentions végétales), sauf pour le droit d’auteur.
Il est ainsi prévu que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut, en référé ou sur requête, voir ordonner sous astreinte toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente ou à empêcher la poursuite de la contrefaçon, à assurer l’indemnisation du préjudice.
Pour mémoire, auparavant, pour engager une telle action, le demandeur devait avoir justifié devant le juge saisi qu’une action au fond était engagée contre le contrefacteur présumé.
Avec l’adoption de ces nouvelles dispositions, le référé sera donc plus efficace puisqu’il ne sera plus nécessaire d’intenter une action au fond avant d’engager la procédure de référé.
3. Les moyens d’action des douanes ont été étendus
Les nouvelles mesures interviennent en dehors des cas prévus par la règlementation communautaire. Désormais, les douanes peuvent intervenir même en l’absence de demande d’intervention du titulaire des droits de propriété intellectuelle, ce qui laisse aux autorités une plus grande latitude dans la recherche des marchandises litigieuses.
Les douanes peuvent également prélever des échantillons et les remettre au titulaire des droits de propriété intellectuelle, aux fins d’analyse, ainsi que pour faciliter l’action judiciaire subséquente.
Enfin, la loi prévoit un recours à la saisie douanière directe en matière de dessins et modèles, comme en matière de marques.
II. Des sanctions renforcées : de nouveaux critères d’évaluation des préjudices pour une réparation améliorée
L’une des innovations majeure de la loi tient dans la place importante accordée à l’indemnisation des victimes (« … les conséquences économiques négatives, …..subies par la partie lésée »).
Afin d’évaluer les préjudices subis, la juridiction saisie devra prendre en compte trois critères :
– le manque à gagner par la partie lésée,
– les bénéfices réalisés par le contrefacteur,
– le préjudice moral subi par la partie lésée.
Le but de la loi sur ce point étant que la réparation ne soit pas inférieure au montant du préjudice économique subi.
Le juge disposera donc d’une certaine marge de manoeuvre pour compenser, au regard de ces trois critères, le requérant reconnu victime de contrefaçon. En effet, la seule réparation du manque à gagner peut parfois se révéler insuffisante à rétablir la victime dans sa situation antérieure au préjudice subi, en termes commerciaux, mais également d’image ou de parts de marché.
En plus des dommages et intérêt, des sanctions civiles complémentaires, aux frais du contrefacteur, sont prévues par la loi :
– le rappel des contrefaçons,
– la confiscation et la destruction des contrefaçons,
– la publication de la décision dans des journaux ou sur internet.
La loi prévoit, en outre, des peines aggravées pour les actes de contrefaçon portant sur des « marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l’homme ou de l’animal » : 500.000 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement, fermetrue totale ou partielle de l’établissement.
Enfin, pour protéger le demandeur contre l’insolvabilité du contrefacteur présumé, la juridiction saisie pourra ordonner directement la saisie conservatoire de ses biens mobiliers et immobiliers, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs.
En conclusion, on ne peut que se réjouir que les pouvoirs publics aient enfin décidé de transposer la Directive et d’adopter des mesures concrètes permettant de traiter de manière plus efficace le grave problème de la contrefaçon, en mettant en place un régime que l’on espère plus dissuasif à l’encontre des contrefacteurs et des tiers qui ont participé aux actes de contrefaçon.
Il s’agit maintenant d’attendre de voir comment, dans la pratique, ce texte va être appliqué par les juridictions saisies, en espérant qu’il tiendra toutes ses promesses ….
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour