Nouvelles Frontières condamnée à revoir ses contrats d’agents
Par un jugement du 29 janvier 2008, le Tribunal de commerce de Bobigny a invité la société Nouvelles Frontières à revoir les stipulations de ses contrats d’agents commerciaux, pour tenir compte de l’existence de son site Internet, qui propose des voyages en concurrence avec ces derniers.
En effet, par principe, les produits de cette société sont commercialisés de manière exclusive au travers d’un réseau de succursales et d’agents indépendants et de mandataires qui eux-mêmes, en contrepartie de l’exclusivité dont ils bénéficient, ne peuvent distribuer de produits autres que ceux mis à leur disposition par NFD.
Or, depuis quelques années, Nouvelles Frontières propose également des voyages sur internet, par le biais de son site, et ce de manière centralisée. Les ventes par le biais de ce site Internet ne donnent donc pas lieu à rémunération pour l’agence du lieu où réside le client, alors même que cette agence est tenue d’assurer, gratuitement, un certain service après-vente auprès de celui-ci.
C’est dans ce contexte que l’Association des agents et mandataires exclusifs Nouvelles Frontières a décidé de saisir la justice à l’encontre de la société Nouvelles Frontières afin d’obtenir du juge une révision du contrat en vue d’y intégrer, dans la commission reversée aux agences, les ventes réalisées sur le site internet.
Par le jugement précité, le Tribunal de commerce de Bobigny a rappelé que « le système de l’imprévision, qui s’applique aux contrats de concession de service public par exemple, ne s’étend effectivement pas aux conventions de droit privé« . Dans ces conditions, poursuit le jugement, « il n’existe pas d’obligation de renégocier un contrat lorsque l’évolution de la situation ou le contexte dans lequel il s’inscrit ou bien encore les changements survenus ont pour conséquence d’entraîner comme en l’espèce un déséquilibre en faveur d’une des parties et au détriment de l’autre au point de mettre cette dernière en difficulté ».
Et si la théorie de l’imprévision peut trouver à s’appliquer dans les cas où les événements ayant entraîné le déséquilibre du contrat sont indépendants de la volonté de la partie en faveur de laquelle le changement ou l’évolution s’était produit, tel n’est pas le cas ici dans la mesure où « l’ouverture du site centralisé est une décision délibérée de NFD », de sorte que le fondement tiré de la théorie de l’imprévision ne pouvait trouver à s’appliquer en l’espèce.
Restait alors à trouver un autre fondement. En l’occurrence, le Tribunal de commerce a considéré que Nouvelles Frontières avait manqué à son obligation de solidarité contractuelle : « Ce faisant, NFD n’ignorait pas, même si les conséquences pour le réseau étaient alors difficiles à mesures précisément, qu’elle allait causer un certain préjudice à ses agents en détournant d’eux une partie de l’activité et qu’elle portait ainsi atteinte au principe de l’exclusivité de distribution, même limitée aux ventes physiques, sur lequel reposait leur contrat, encore que, dans l’absolu, il n’y ait pas à proprement parler de violation de l’exclusivité territoriale ».
Dans ces conditions, « en ouvrant son site internet de réservation directe et en empêchant ainsi les agents de remplir leur fonction en vue du développement de la marque, et en les privant de la rémunération sur le chiffre des ventes réalisées par internet, alors que de son côté, l’agent, lié par la clause d’exclusivité figurant au contrat, était dans l’impossibilité de compenser ce manque à gagner par la distribution de produits concurrents, NFD n’a pas respecté le principe d’exécution de bonne foi du contrat de mandat d’intérêt commun le liant à ses agents ».
Le Tribunal de commerce a donc décidé de nommer un conciliateur destiner à faire évoluer l’équilibre contractuel pour tenir compte du développement du site internet de NFD.
Matthieu Berguig