Marché public : le sous-traitant ne peut être indemnisé des sujétions imprévues que si l’économie générale du marché public dans son ensemble est bouleversée

Marché public : le sous-traitant ne peut être indemnisé des sujétions imprévues que si l’économie générale du marché public dans son ensemble est bouleversée

1- Le sous-traitant qui intervient régulièrement dans le cadre d’un marché public a droit au paiement direct de ses prestations (voir nota. Brève Redlink 04/10/2011 : Le sous-traitant d’un marché public peut être payé directement par l’entreprise principale).

A ce titre, il a également droit au paiement direct des sommes qui lui seraient dues en plus du prix des prestations convenues au marché.

Le sous-traitant peut donc (comme l’entreprise principale titulaire du marché) prétendre à l’indemnisation des dépenses exposées en raison de sujétions imprévues dès lors que le marché public a été conclu à prix forfaitaire (voir Brève Redlink 18/05/2015 : Marché public : le caractère forfaitaire du marché n’exclut le paiement ni des travaux supplémentaires ni des travaux de sujétions imprévues).

Le Conseil d’Etat a explicitement confirmé ce principe (CE, 1er juillet 2015, Communauté de Communes de Terres de Siagnes, req. n° 383613) en jugeant « qu’un sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l’économie générale du marché ».

2- En effet, lorsque des dépenses imprévues ont dû être exposées par le titulaire d’un marché public à prix forfaitaire pour exécuter la prestation attendue, une indemnisation est possible à la condition que l’économie générale du marché a été bouleversée.

La comparaison entre le prix initialement convenu au marché et le montant des dépenses réellement exposées pour exécuter la prestation permet d’identifier que ce prix ne couvre pas les dépenses et donc l’existence d’un écart entre le prix initial et les dépenses réellement exposées.

Si cet écart est très important, le bouleversement de l’économie générale du marché peut être constaté. Dans ce cas, l’entreprise peut prétendre à une indemnisation des dépenses supplémentaires imprévues exposées.

La question essentielle qui se pose est de savoir sur quelle base s’apprécie cet écart.

Or, sur ce point, le Conseil d’Etat a indiqué (dans la décision précitée) que la base à partir de laquelle s’apprécie l’écart entre le prix initial et les dépenses réellement exposées est le marché public dans son entier.

L’écart ne s’apprécie donc pas au regard de la partie sous-traitée (et du montant correspondant revenant au sous-traitant) mais au regard du montant global du marché.

Par conséquent, le sous-traitant ne peut prétendre à une indemnisation que si la part de dépenses supplémentaires qu’il a exposées en raison de sujétions imprévue présente elle-même un écart très important au regard du montant total du marché et non au regard du montant sous-traité.

En l’espèce, le montant du marché était de l’ordre de 700.000 €. La part sous-traitée s’élevait à environ 150.000 €. Le montant des dépenses imprévues, exposées par le sous-traitant, était de l’ordre de 90.000 € (venant s’ajouter au montant initial sous-traité).

L’appréciation de l’écart entre le prix initial et le montant des dépenses imprévues a été réalisée au regard de la somme totale du marché, soit 700.000 €, et non au regard de la part sous-traitée (soit 150.000 €).

Le montant des dépenses supplémentaires représentait donc environ 13% du prix du marché, ce qui ne constitue pas un écart substantiel permettant de retenir le bouleversement de l’économie générale du contrat. Il s’ensuit que le sous-traitant n’a eu droit à aucune indemnisation.

3- Les entreprises, titulaire ou sous-traitant, doivent donc être extrêmement prudentes dans la gestion des aspects financiers de leurs marchés à prix forfaitaires.

Indépendamment de l’impérative nécessité de calibrer au mieux leurs offres lors des appels d’offres, l’intervention d’évènements imprévus au cours de l’exécution du contrat doit les conduire à la plus grande vigilance pour les traiter en amont.

Il est, en effet, préférable d’interrompre les prestations en cours (en respectant les formalités administratives fixées au marché), de traiter la problématique avec l’acheteur public puis de conclure un avenant de travaux supplémentaires pour faire face aux dépenses imprévues.

Alexandre Le Mière

Avocat associé

Laisser un commentaire