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Franchise et Pratiques restrictives de concurrence : Bilan de la jurisprudence par la Faculté de droit de Montpellier

Chaque année, la Faculté de droit de Montpellier établit un bilan de décisions – publiées ou inédites – rendues dans le cadre de contentieux opposant des opérateurs économiques sur le fondement des règles relatives aux pratiques restrictives de concurrence et à la transparence tarifaire (Titre IV du Livre IV du Code de commerce).

Le dernier bilan, portant sur l’année 2022, vient tout juste d’être publié sur le site de la Commission d’examen des pratiques commerciales (https://www.economie.gouv.fr/cepc).

Les principales décisions relevées en matière de franchise par la Faculté de droit de Montpellier sont recensées dans le tableau ci-après :

Références de la décisionDispositif invoqué par le franchiséClause ou pratique contestéeSolution
CA Paris, 26 janvier 2022, n° 19/18768 et 19/18769Art. L. 442-6, I, 2° C.com. (ancien) : Soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif  Clauses de référencement (avec taux de commission) et de paiement des fournisseurs (avec mandat de paiement)Rejet de la demande du franchisé : « l’élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l’absence de négociation effective » ; « il ne peut être inféré du seul contenu des clauses, la caractérisation de la soumission ou tentative de soumission exigée par le législateur. Or l’appelant, qui qualifie les deux clauses litigieuses du contrat de franchise de déséquilibre significatif, n’apporte aucun élément de contexte sur les conditions de sa négociation ni ne justifie avoir tenté en sa qualité de gérant de la société [franchisée] de faire supprimer les clauses critiquées. Il succombe donc à la charge de la preuve qui lui incombe et sa demande tendant à voir annuler les clauses [litigieuses] »
Com., 16 mars 2022, n° 19-17.875Art. L. 442-6, I, 2° C.com. (ancien) : Soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif  Clause de prix de vente du fonds de commerce du franchiseur au franchiséRejet de la demande du franchisé : « l’arrêt retient que le prix de vente du fonds de commerce résulte de la libre négociation des parties. Par ce seul motif, faisant ressortir l’absence de soumission ou de tentative de soumission dans l’opération en cause, c’est à juste titre que la cour d’appel, faute de caractérisation de la condition de soumission, a décidé que la responsabilité de [l’enseigne] ne pouvait pas être engagée sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce »
CA Paris, 2 mars 2022, n° 20/09320Art. L. 442-6, I, 5° C.com. (ancien) : Rupture brutale de relation commerciale établie  Rupture par le franchiseur des relations avec son franchisé moyennant un préavis considéré comme insuffisantRejet de la demande du franchisé : Lorsque deux relations commerciales existent concomitamment entre un fournisseur et son master franchisé et entre ce dernier et un distributeur et qu’elles prennent fin pour qu’une troisième relation se noue entre le fournisseur et le distributeur, ce dernier ne peut pas faire remonter le point de départ de cette nouvelle relation au jour de celui de la relation qu’il entretenait avec le master franchisé. L’absence de reprise de l’ancienne relation est motivée par le fait que le fournisseur et le master franchisé soient deux entités juridiques distinctes et que le nouveau contrat conclu entre le fournisseur et le distributeur, bien qu’ayant le même objet (distribuer les produits du fournisseur) que celui qui existait entre distributeur et le master franchisé, n’évoque nullement une volonté de reprise de la relation.
CA Paris, 12 janvier 2022, n° 17/14189Art. L. 442-6, I, 6° C.com. (ancien) : Violation d’un réseau de distribution sélective ou exclusive  Ventes parallèles de véhicules automobilesAccueil de la demande de la tête de réseau : Le concédant tête de réseau démontre qu’un vendeur de véhicules qui s’était approvisionné dans l’UE auprès de distributeurs agréés d’une marque française et auprès d’autres sociétés intermédiaires européennes avait conscience d’un approvisionnement illicite, dès lors qu’il s’agissait d’un professionnel de l’automobile et qu’il faisait partie du réseau de réparateurs agréés de ladite marque depuis plusieurs années. Le dirigeant de cette société ne pouvait ignorer qu’il existait sur le marché UE un réseau de distribution sélective sous la marque pour les ventes de véhicules neufs ou immatriculés depuis moins de trois mois. Le vendeur a ainsi participé en connaissance de cause à la violation du réseau de distribution sélective des véhicules de cette marque au sens de l’article L. 442- 6, I, 6° c. ancien com

Par Régis PIHERY

L’insuffisance d’une étude d’impact environnemental justifie l’action en démolition d’un parc éolien.

Par un arrêt du 11 janvier 2023 (Cass. 3ème civ., 11 janvier 2023, n°21-19.778), la Cour de cassation assouplit les conditions d’une action en démolition suite à l’annulation d’un permis de construire.

1- Rappel de l’action en démolition

1.1- En application de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme (C. Urba.), lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire d’une construction ne peut être condamné par le juge judiciaire à la démolir que sous certaines conditions :

  • le permis doit avoir été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative ;
  • la construction doit méconnaitre les règles d’urbanisme ou les servitudes d’utilité publique.

1.2- Les constructions litigieuses susceptibles d’être démolies doivent se situer dans un des secteurs énumérés à l’article L.480-13 C. Urb.

En dehors de ces secteurs, seule une action indemnitaire pourra être intentée.

2- La portée de la décision : l’assouplissement de l’action en démolition

Par un arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a considéré que l’insuffisance d’une étude d’impact relative à la présence d’un couple d’aigles royaux constituait une violation à une règle d’urbanisme, justifiant ainsi l’action en démolition intentée par les associations de protection de l’environnement contre un parc éolien.

Ce faisant, la Cour de cassation assouplit incontestablement les conditions de mise en œuvre de l’action en démolition qui n’était jusqu’alors susceptible d’aboutir qu’en cas de violation d’une règle d’urbanisme « de fond » ou substantielle.

Toutefois, le demandeur devra démontrer avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.

3- Comment éviter les risques de démolition en cas d’annulation d’un permis de construire ?

Pour éviter tout risque de démolition, il est possible de purger les illégalités d’un permis attaqué devant le tribunal administratif, par un permis de construire de régularisation (L. 600-5-1 C.Urb.).

Il est également possible de limiter l’annulation du permis à un vice n’affectant qu’une seule partie du projet et d’obtenir la régularisation de la partie annulée du permis (L.600-5 C. Urb.).

Ces procédures de régularisation sont possibles même après l’achèvement des travaux et peuvent être exercées en cours d’instance.

Ombeline SOULIER DUGENIE

Avocat

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046990196?init=true&page=1&query=21-19.778&searchField=ALL&tab_selection=all

Marché public : précisions sur la répartition des missions entre les membres d’un même groupement (CE, 4 avril 2018, Société Altraconsulting, req. n°415946)

Marché public : précisions sur la répartition des missions entre les membres d’un même groupement (CE, 4 avril 2018, Société Altraconsulting, req. n°415946)

Si les capacités d’un groupement d’entreprises s’apprécient globalement (impliquant donc que chaque entreprise n’a pas à justifier individuellement de l’ensemble des capacités requises pour soumissionner à un marché public), la candidature d’un groupement d’entreprises contenant une part de prestations réglementées (en l’espèce, prestations juridiques) doit préciser la répartition des prestations entre les membres du groupement. Lire la suite

Contrat public : la méthode de notation irrégulière ne lèse pas toujours le candidat

Contrat public : la méthode de notation irrégulière ne lèse pas toujours le candidat

1. Pour attribuer un marché public à un opérateur économique, l’acheteur doit mettre en place une procédure d’appel d’offres qui conduise (sauf exception) à choisir l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base de critères de sélection qu’il a déterminé à l’avance (art. 52 de l’ordonnance du 23 juillet 2015).

Ces critères, qui tiennent généralement d’une part aux aspects économiques et/ou financiers de l’offre et d’autre part aux différents aspects qualitatifs et qui doivent faire l’objet d’une pondération (voir sur ces points l’article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016), doivent cependant, pour pouvoir être appliqués, reposer sur une grille d’analyse ou une méthode de notation. Lire la suite

Contrat public : le contrôle du prix à payer au sous-traitant d’un marché public

Contrat public : le contrôle du prix à payer au sous-traitant d’un marché public

1. Le sous-traitant d’un marché public relève du régime du paiement direct en application des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et des articles 62 et 63 de l’Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et de l’article 135 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics.

Cela signifie concrètement que le sous-traitant est payé directement par l’acheteur public qui est à l’origine de la commande (et ce alors même qu’il n’existe pas de lien contractuel direct entre ledit acheteur et le sous-traitant : ce dernier n’est contractuellement rattaché qu’à l’entreprise principale, titulaire du marché public). Lire la suite

Contrat public : marché public et marché provisoire

Contrat public : marché public et marché provisoire

  1. Les acheteurs publics peuvent, dans certaines situations, se trouver dans l’obligation de passer des contrats, en urgence, pour faire face à certains besoins.

L’urgence à laquelle se trouve confrontée l’acheteur peut, alors, le conduire à ne pas avoir matériellement le temps de lancer une procédure de publicité et de mise en concurrence.

Dans cette situation, l’opérateur économique peut donc se retrouver titulaire d’un contrat public conclu de gré à gré, c’est à dire sans avoir été précédé d’une procédure préalable de publicité et de mise en concurrence.

L’opérateur économique doit, dans ce cas, faire preuve d’une particulière vigilance pour bien appréhender l’environnement juridique dans lequel il se trouve et les risques auxquels il pourrait être exposés.  Lire la suite

Marché public : l’analyse du prix de l’offre au regard de la « commande fictive »

Marché public : l’analyse du prix de l’offre au regard de la « commande fictive »

1- Il est fréquent que les acheteurs publics recourent à la technique de la « commande fictive » ou du « chantier masqué » pour l’appréciation du critère du prix dans les marchés publics.

La technique de la « commande fictive » ou du « chantier masqué » s’applique essentiellement dans les marchés publics à prix unitaires. Elle consiste, pour l’acheteur public à faire une simulation de commande, telle qu’elle pourrait se réaliser au cours de l’exécution du marché.

2- Ce mécanisme permettant, in fine, d’apprécier le critère du prix est considéré depuis longtemps comme relevant de la méthode de notation (CE, 2 août 2011, Syndicat mixte de la Vallée de l’Orge Aval, req. n° 348711, cf. avant-dernier considérant).

Or, l’acheteur public n’est pas obligé de communiquer les éléments qui relèvent de sa méthode de notation, le principe de transparence ne s’appliquant qu’au critère lui-même et à ses conditions de mise en œuvre, c’est à dire (le plus souvent) son taux de pondération. Lire la suite

Contrat administratif : conséquence de l’illégalité de la clause de tacite reconduction

Contrat administratif : conséquence de l’illégalité de la clause de tacite reconduction

1- Il est de jurisprudence désormais ancienne (CE, 29 novembre 2000, Commune de Païta, req. n° 205143) que la clause de tacite reconduction est interdite dans les contrats de la commande publique.

Dès lors qu’une telle clause est donc illégale, son insertion dans un contrat ne peut donner lieu à aucun préjudice et, partant, à aucune indemnisation au bénéfice du cocontractant de l’administration, en l’absence de reconduction tacite du contrat à l’issue de la durée convenue.

Par conséquent, toute éventuelle clause d’un contrat de commande publique prévoyant l’indemnisation du cocontractant de l’administration à raison de la non-reconduction dudit contrat est elle-même illégale ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat (CE, 17 octobre 2016, Commune de Villeneuve-le-Roi, req. n° 398131). Lire la suite

Marchés publics : la pondération ne doit pas être modifiée en cours de consultation et la méthode de notation doit être fixée avant l’ouverture des offres

Marchés publics : la pondération ne doit pas être modifiée en cours de consultation et la méthode de notation doit être fixée avant l’ouverture des offres

1. L’acheteur public qui lance une procédure de passation d’un marché a l’obligation d’informer, dès le départ, les candidats potentiels des critères de sélection des offres retenus ainsi que leurs modalités de mise en œuvre, c’est à dire – le plus souvent – leur taux de pondération (art. 52 Ordonnance n° 2015-899 du 23/07/2015 [ci-après L.52 CMP] et art. 62-IV décret n° 2016-360 du 25/03/2016 [ci-après art. D.62-IV CMP] ; voir également : CJCE, 18 novembre 2010, Commission c/ Irlande, aff. 226/09).

En revanche, et suivant une jurisprudence constante, tant du Conseil d’Etat (CE, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, req. n° 334279) que de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJCE, 21 juillet 2011, Evropaïki Dynamiki c/ EMSA, aff. C-252/10, pt. 35), le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’informer a priori les candidats de la méthode de notation qu’il a arrêtée pour l’appréciation des critères (ce qui n’exclut évidemment pas un contrôle a posteriori notamment devant le juge).  Lire la suite

Contrat public : la contestation des contrats signés avant le 4 avril 2014 reste objective

Contrat public : la contestation des contrats signés avant le 4 avril 2014 reste objective.

1- En 2007 le Conseil d’Etat a modifié les modalités de contestation à l’encontre des contrats administratifs CE, Ass., 16 juil. 2007, Sté Tropic Travaux Signalisation, n° 291545).

Il a permis aux « concurrents évincés » qui s’estimaient irrégulièrement écartés de la conclusion du contrat de le contester directement et d’en obtenir, le cas échéant, la résiliation ou l’annulation (ainsi que potentiellement une réparation).

Cependant, cette possibilité n’a été initialement ouverte qu’aux seuls « tiers » concernés par la passation des contrats (c’est à dire les seuls opérateurs économiques), les autres tiers (c’est à dire les « usagers », les élus et le préfet) n’étaient pas autorisés à contester directement le contrat. Lire la suite