Archives de catégorie : Commerce / Distribution

Charcuteries corses : nouvel épisode dans la guerre des labels qualité AOP et IGP

Ci-après la publication de Céline Cuvelier et de Mathilde Fabiano de BCUBE 

Le 10 septembre 2025, le Tribunal de l’Union européenne (ci-après « TUE ») a rendu une nouvelle décision dans le cadre du litige qui oppose depuis plusieurs années le Syndicat de défense des charcuteries corses AOP « Salameria de Corsica » à un Consortium des Charcutiers corses (TUE, 10 septembre 2025, aff.T-597/23).

Pour rappel, une appellation d’origine protégée (AOP) désigne un produit alimentaire « originaire d’un lieu déterminé » c’est-à-dire dont toutes les étapes de la fabrication ont été réalisées dans une même aire géographique, laquelle confère au produit sa qualité ou ses caractéristiques. Ce label européen valorise et protège des produits typiques des terroirs comme l’huile d’olive de Provence, le piment d’Espelette ou le brocciu de Corse.

Une indication géographique protégée (IGP) est moins contraignante puisque servant à identifier un produit alimentaire « originaire d’un lieu déterminé », « dont une qualité, la réputation ou une autre propriété peut être attribuée essentiellement à son origine géographique ». Le lien au terroir est donc plus souple que pour une AOP.

Le syndicat de défense des charcuteries corses AOP a obtenu, en 2014, l’enregistrement, au niveau européen, des trois AOP : « Lonzo de Corse / Lonzo de Corse – Lonzu » ; « Jambon sec de Corse / Jambon sec de Corse – Prisuttu » et « Coppa de Corse / Coppa de Corse – Coppa di Corsica », pour desproduits élaborés à partir d’une race spécifique de porcs vivant de manière semi-sauvage dans les montagnes corses.

En 2015, le Consortium des charcutiers corses dépose auprès des autorités françaises sept demandes d’IGP pour les dénominations « Lonzo de l’Ile de Beauté », « Jambon sec de l’Ile de Beauté », « Coppa de l’Ile de Beauté », « Pancetta de l’Ile de Beauté », « Saucisson sec de l’Ile de Beauté », « Bulagna de l’Ile de Beauté » et « Figatelli de l’Ile de Beauté » destinées à identifier également des produits de charcuteries produites selon des méthodes et le savoir-faire corse mais à partir de viande « ordinaire » de porc.

En 2018, le ministère de l’Agriculture a homologué les cahiers des charges de ces sept demandes d’IGP, lesquelles ont ensuite été transmises à la Commission européenne pour enregistrement. La Commission a rejeté les demandes d’enregistrement « Lonzo de l’Ile de Beauté », « Jambon sec de l’Ile de Beauté », « Coppa de l’Ile de Beauté » au motif qu’elles sont évocatrices des trois AOP antérieures enregistrées en 2014. Le TUE puis la CJUE ont confirmé cette décision (CJUE, 4 octobre 2014, aff. C-579/23 P).  En revanche, la Commission a approuvé l’enregistrement des quatre autres demandes à savoir, « Pancetta de l’Ile de Beauté », « Saucisson sec de l’Ile de Beauté », « Bulagna de l’Ile de Beauté » et « Figatelli de l’Ile de Beauté».

Le syndicat de défense des charcuteries corses AOP a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne aux fins de voir cet enregistrement refusé. A l’appui de son recours, le syndicat faisait notamment valoir que les IGP contestées sont évocatrices des AOP antérieures au motif que « l’expression ‘Ile de Beauté est le synonyme notoire et traditionnel du terme ‘Corse’ », que les produits désignés sont « similaires en ce qu’ils relèvent, pour le consommateur ayant une attention moyenne, de la catégorie générale de la charcuterie traditionnelle corse » et que « les consommateurs ne connaissent le plus souvent pas la différence entre les AOP et les IGP ».

Les juges européens ne sont pas de cet avis.

Le Tribunal rappelle d’abord que le risque d’évocation est établi lorsque l’usage d’une dénomination produit dans l’esprit d’un consommateur moyen de l’UE, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, « un lien suffisamment direct et univoque entre cette dénomination et l’AOP ». Le Tribunal poursuit en indiquant que « l’’existence d’un tel lien peut résulter de plusieurs éléments à savoir, en particulier, de l’incorporation partielle de l’AOP, de la parenté phonétique et visuelle entre les deux dénominations et de la similitude en résultant, et, même, en l’absence de ces éléments, de la proximité conceptuelle entre l’AOP et la dénomination en cause ou encore d’une similitude entre les produits par cette même AOP et les produits ou services couvert par cette même dénomination ».

Sur le plan de la comparaison des dénominations en cause, le Tribunal considère qu’il n’existe aucune incorporation de l’AOP antérieure dans les dénominations contestées dans la mesure où celles-ci diffèrent tant dans leur partie désignant l’origine géographique des produits (« Corse » n’étant pas similaire à « Ile de Beauté ») que dans les termes désignant les produits (« Lonzo », « Jambon sec », « Coppa » étant distincts des « Saucisson sec », « Pancetta », « Figatelli » et « Bulagna »).

S’agissant du critère de parenté phonétique et visuelle, il estime « qu’il n’en existe aucun », de même que sur le plan conceptuel et ce, quand bien même « l’expression ‘Ile de Beauté’ est synonyme du terme ‘Corse’ ».

Pour le Tribunal, « un consommateur moyen même non spécialiste des différents types de charcuterie, sera en mesure de comprendre que des termes différents renvoient à des produits de charcuterie différents, qui présentent des caractéristiques différentes », ce d’autant plus que les produits de charcuterie « sont des produits de consommation courante et achetés régulièrement, souvent en présence des produits eux-mêmes ou de leur image ». Il en conclu que le consommateur n’aura pas de difficulté à distinguer de tels produits et ce, même si certains noms de produits sont potentiellement peu connus par le consommateur moyen « tels que les noms « Lonzo », « Bulagna » ou « Figatelli ».

S’agissant du quatrième critère relatif à la similitude des produits, le syndicat faisait valoir que les produits relèvent de la charcuterie traditionnelle corse, tous désignant indifféremment des préparations alimentaires à base de viande de porc, crues ou cuites, préparés par salaison. Il indiquait également que tous ces produits sont susceptibles d’être vendus dans les mêmes points de vente dont les grandes surfaces désireuses de faire découvrir la charcuterie corse.

Pour le Tribunal, le consommateur ne sera pas pour autant amené à penser qu’il s’agit de produits similaires dès lors où « le consommateur, même non spécialiste de charcuterie corse, comprendra que des produits se différenciant par leur aspect visuel correspondent à des produits différents » et ce, même s’ils sont effectivement vendus dans les mêmes magasins.

Cette décision laisse sceptique notamment quant au fait que le consommateur puisse effectivement différencier ces produits qui certes n’ont pas la même forme, mais proviennent du même animal et sont présentés comme provenant du même lieu, la Corse, bien connue aussi sous le vocable « l’île de beauté ». Au final, est ce que l’une des solutions ne serait pas d’expliquer simplement au consommateur ce qui différencie une AOP d’une IGP ?

La DGCCRF met à jour sa FAQ sur les pénalités logistiques.

Ces nouvelles lignes directrices relatives à l’application des articles L. 441-17, L. 441-18 et L. 441-19 du code de commerce mettent à jour celles de juillet 2022 prises à la suite de la Loi Egalim 2. Elles prennent en compte les évolutions liées à la Loi Decrozaille, notamment pour :

  • « clarifier la notion de déduction d’office des pénalités en indiquant que celle-ci est caractérisée lorsque le distributeur déduit du montant d’une facture du fournisseur la somme correspondant à des pénalités logistiques, alors que le fournisseur a contesté ces pénalités dans le délai prévu par le contrat » ;
  • Etablir qu’« une livraison après l’horaire de fermeture d’une plateforme logistique équivaut au non-respect de la date de livraison » ;.
  • Déterminer les produits qui constitue l’assiette à prendre en compte pour calculer le nouveau plafond légal de pénalités correspondant à 2% du montant total de produits commandés.

Lien : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/foire-aux-questions-portant-sur-les-lignes-directrices-en-matiere-de-penalites-logistiques

Frédéric Fournier

Avocat Associé

Redlink

Négociations commerciales 2024 avancées au 15 janvier pour les produits de grande consommation et petfood.

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture un projet de loi présenté en urgence qui avancent les dates limites des négociations commerciales 2024. Le projet est transmis au Sénat.

Un seuil distingue deux catégories de fournisseurs de PGC et petfood : plus ou moins de 350 millions d’euros de chiffre d’affaires en France.

Pour les premiers, les négociations entre distributeurs et industriels devront prendre fin le 31 décembre 2023, avec envoi des CGV au plus tard le 1er novembre 2023, le distributeur disposant de 15 jours pour faire ses observations.

Pour les seconds, les négociations entre distributeurs et industriels devront prendre fin le 15 janvier 2024, avec envoi des CGV au plus tard le 15 novembre 2023, le distributeur disposant de 15 jours pour faire ses observations.

L’objet affiché par le Gouvernement et l’Assemblée Nationale est d’avancer de 6 semaines les négociations afin que les baisses de prix -éventuelles, puissent s’appliquer au plus vite.

Les conventions uniques en cours d’exécution au moment de l’entrée en vigueur de la loi signées avant le 1er septembre 2023 prendront automatiquement fin.

Ceci pose à nouveau la question de la rupture des relations commerciales établies et de la Loi Decrozaille qui n’a que six mois (mars 2023)… Cette dernière prévoyait que, à titre expérimental pour une durée de trois ans, à défaut de conclusion d’une convention unique au 1er mars, le fournisseur peut, au choix :

  • mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens de l’article L. 442-1 du code de commerce ;
  • demander l’application d’un préavis conforme à ce texte.

La saisine du médiateur des entreprises ou celui des relations commerciales agricoles pour conclure un accord sous son égide avant le 1er avril, était également possible.

Le projet de loi modifie ce dispositif. En l’absence d’accord aux dates susvisées :

  • le fournisseur pourra mettre fin à la relation commerciale ou demander l’application d’un préavis conforme à l’art. L.442-1, II du C. com. ;
  • les parties pourront saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises afin de trouver un accord fixant les conditions du préavis au plus tard le 31 janvier 2024 (pour les fournisseurs réalisant un CA annuel HT en en France inférieur à 350 millions d’euros) ou au plus tard le 15 février 2024 (pour les fournisseurs réalisant un CA annuel HT en France supérieur ou égal à 350 millions d’euros).

Il fut un temps où l’on évoquait la facturologie. Il convient maintenant de consacrer une nouvelle science : celle des négociations commerciales.

Frédéric Fournier

Avocat Associé

Redlink

Attention à toujours bien vérifier les constats d’huissier produits par vos adversaires

Aujourd’hui il n’y a plus de débat sur le fait que la production de constats d’huissier dans le cadre d’un litige doit respecter un certain nombre de règles strictes issues de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue en la matière.

En particulier, conformément à la jurisprudence, l’intervention du commissaire de justice (anciennement « huissier de justice ») doit être la plus objective possible, ce qui se traduit notamment dans le fait qu’il doit se borner à des constatations purement matérielles. Il lui est donc strictement interdit de recourir à des stratagèmes dans le cadre de la réalisation de ses constats.

Un arrêt récent de la Cour d’appel de Toulouse illustre parfaitement ce principe (CA Toulouse, 27 juin 2023, n°22/01120).

Dans cet arrêt, les demandeurs à la liquidation d’une astreinte ont produit un constat d’huissier pour démontrer que le franchiseur offrait des produits à la vente depuis son site internet malgré l’interdiction qui lui avait été faite.

Le franchiseur s’est opposé à cette demande en soulevant la nullité du constat d’huissier en ce qu’il a été obtenu grâce à un stratagème déloyal. Le franchiseur a notamment invoqué le fait que, pour effectuer son constat, le commissaire de justice s’était fait assister par un tiers (à savoir le gardien de l’immeuble au sein duquel il a son étude) dans la perspective de réaliser un achat de produits sur le site internet du franchiseur au nom de ce tiers tout en omettant de mentionner sa qualité de commissaire de justice.

La Cour d’appel, après avoir rappelé le principe de loyauté des preuves déduit de l’article 9 du Code de procédure civile et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, a prononcé la nullité du procès-verbal litigieux dans les termes suivants :

« Il est constant que l’huissier instrumentaire ne peut user de manœuvres déloyales et notamment d’une fausse qualité ou d’un stratagème pour recueillir une preuve et que le procès-verbal de constat établi dans ces conditions ne peut être retenu comme preuve.

En l’espèce, l’huissier est entré dans le site en libre accès de Y, ce qui est parfaitement licite puis a eu recours à un tiers pour engager un processus de commande de produits alors que l’huissier qui se livre à des achats de produits en ligne est tenu de respecter le principe de loyauté en mentionnant sa qualité d’huissier.

En l’espèce, l’huissier a lui-même ouvert le site Y a donc eu une démarche active matérialisée par la demande faite au concierge de son immeuble, M. X, de s’installer derrière l’ordinateur de l’étude dans le but d’initier une commande alors qu’il n’est pas prétendu que M. X avait effectivement l’intention d’acheter un produit sur ce site.

Ainsi, l’huissier ne s’est pas borné à des constatations purement matérielles mais a outrepassé les pouvoirs qui lui sont donnés par l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945, justifiant l’annulation du constat par infirmation du jugement déféré ».

Le constat d’huissier constituant la seule preuve fournie au soutien de la demande de liquidation de l’astreinte, la nullité de ce constat a nécessairement entrainé l’infirmation du jugement attaqué et le rejet de l’ensemble de cette demande.

Cet arrêt illustre une fois de plus l’importance de toujours veiller à ce que les constats d’huissier versés aux débats ne procèdent pas de stratagèmes pouvant les fragiliser, au vu des effets domino que leur nullité est susceptible d’entraîner.

Régis PIHERY & Ron SHALIT