La décision « Renault » du 7 mai dernier donne de nouvelles indications pratiques sur les règles à suivre pour les employeurs.
Cette décision invite les employeurs à la plus grande vigilance dans l’organisation pratique de leur consultation sur la reprise d’activité.
Voici la liste ce qu’il faut faire :
- Réunir la commission sécurité (CSSCT) avant la réunion du CSE
En l’espèce, constatant qu’envisager la reprise d’activité constitue un projet important modifiant les conditions de travail, le juge fait grief à Renault de ne pas avoir réuni la CSSCT préalablement à la réunion du CSE.
2. Solliciter l’avis du CSE sur les EPI : équipements de protection individuelle
Le Code du travail imposent une consultation sur le port des équipements de protection individuelle (C. trav., art. R. 4323-97) qui est distincte de celle concernant la marche générale de l’entreprise ou celle relative aux projets importants modifiant les conditions de travail.
Dans la décision, Renault avait certes organisé une formation de ses salariés sur le port des masques, mais n’avait pas consulté son CSE sur ce point.
3. Les documents remis au CSE pour détailler le plan de reprise ne doivent pas être des « copier/coller » des consignes gouvernementales
Les employeurs doivent aller assez loin dans l’information délivrée en adaptant au cas par cas leur présentation, notamment en cas d’organisation multisites. Cette injonction judiciaire, est totalement déconnectée de la réalité des entreprises qui doivent faire face à une situation sanitaire et économique et juridique qui change chaque jour…
4. Même exigence concernant l’évaluation des risques à laquelle le CSE doit être associé
Le DUER doit être fait au niveau de l’établissement voire de l’unité de travail, et non pas au niveau central.
En l’espèce Renault affirmait avoir créé des commissions paritaires ad hoc et diffusé aux élus un document rappelant la nécessité de respecter les gestes barrières. Or ces démarches sont jugées insuffisantes. Mais qu’aurait dû faire Renault ? Sur ce point, le juge évite soigneusement de se prononcer.
5. Le COVID 19 n’est pas un risque biologique
S’agissant de la réglementation relative aux risques biologiques, les premières décisions rendues dans le contexte de l’épidémie ont considéré que l’employeur était tenu de respecter les règles de prévention des risques biologiques prévues par le Code du travail (TJ Lille, Réf., 3 avril 2020, RG nº 20/00830 ; 14 avril 2020, RG nº 20/00386).
Les dispositions qui ont pour objet la prévention des risques liés aux agents biologiques pathogènes sont en effet applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l’activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. Il convient de prendre en compte « la nature de l’activité », de sorte qu’il est permis de penser que ces dispositions ne sont pas applicables si l’activité n’entraîne pas une exposition spécifique du fait de contacts étroits avec le public.
Le ministère du Travail semble d’ailleurs lui-même considérer que cette réglementation ne concerne que les travailleurs des secteurs des soins, de l’aide à domicile ou des services à la personne, dès lors que leurs tâches impliquent des contacts de moins d’un mètre avec des personnes potentiellement contaminées.
Le Tribunal judiciaire du Havre s’est rallié à cette position. Le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence s’est prononcé dans le même sens dans une ordonnance du 30 avril 2020 à propos d’une activité de boulangerie.
6. Il faut intégrer la dimension RPS dans le DUER
Pour le juge dans la décision Renault, il est indispensable que cette évaluation rende compte des effets sur la santé mentale des travailleurs engendrés notamment par des changements organisationnels incessants (modification des plages de travail, télétravail, etc.), les nouvelles contraintes de travail, la surveillance soutenue du respect des distanciations et les inquiétudes des salariés relatives au risque de contamination.
Les permanences téléphoniques sont insuffisantes. Mais on peut légitimement se demander ce que Renault aurait pu faire de plus…
7. Formation pratique au port des EPI
Les guides à destination de ses salariés sont insuffisants. Le juge estime qu’il aurait fallu dispenser à chaque salarié une formation « pratique, c’est-à-dire pas seulement théorique, et appropriée à chaque poste de travail.
On imagine les difficultés que va rencontrer l’entreprise dans la mise en œuvre de cette exigence qui ne résulte pas expressément des textes.
Benjamin Louzier
Avocat Associé