Un franchiseur avait assigné en référé un ancien franchisé sur le fondement de la clause de non-réaffiliation prévue dans leur contrat de franchise, conclu en 2012.
Aux fins d’obtenir le rejet des demandes du franchiseur, le franchisé invoquait l’article L. 341-2 du Code de commerce, issu de l’article 31 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, dite « Macron ».
Pour mémoire, cet article dispose que :
«I.-Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.
II.-Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat mentionné au I ;
2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;
3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;
4° Leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1».
En premier lieu, la question se posait de savoir si ce texte, entré en vigueur le 6 août 2016, avait vocation à s’appliquer à la clause de non-réaffiliation litigieuse, prévue dans le contrat de franchise conclu en 2012.
Par arrêt du 22 novembre 2018 (RG n°18/06688), la Cour d’appel de Paris répond par l’affirmative, relevant que :
– « Si ces articles ne précisent pas expressément qu’ils sont applicables aux contrats en cours, l’article 31 V de la loi du 6 août 2015 dispose que «’Le I’» de l’article L. 342-1 «’s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi’». La lecture des travaux parlementaires relatifs à la loi du 6 août 2015 et notamment les débats devant l’Assemblée nationale permettent de relever que cette période transitoire a manifestement été souhaitée par le législateur précisément pour permettre l’adaptation des contrats en cours, de sorte que la volonté du législateur était bien de voir appliquer ces dispositions auxdits contrats, ce qu’au demeurant, l’amendement parlementaire initial à l’origine de ce texte (amendement n°1681 du député M. B.) précisait expressément («’II. ‘ Les dispositions du I s’appliquent, y compris aux contrats en cours, à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi’»), même si le dernier état du texte ne l’a pas repris mais a conservé le principe de la période transitoire rendue nécessaire selon les parlementaires pour accompagner cette application aux contrats en cours. »
– « Cette interprétation est confirmée par la décision n°2015-715 DC du 5 août 2015 du Conseil constitutionnel qui, après avoir rappelé «’qu’en adoptant les articles L. 341-1 et L. 341-2, le législateur a entendu assurer un meilleur équilibre de la relation contractuelle entre l’exploitant d’un commerce de détail et le réseau de distribution auquel il est affilié ; qu’il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général’», considère que «’au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, les dispositions des articles L. 341-1et L. 341-2 ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle et aux conventions légalement conclues’». »
– « Telle est enfin la lecture qu’en donne le communiqué de presse émanant du Conseil constitutionnel et diffusé à l’occasion de la publication de cette décision qui précise que «’L’article 31 encadre les relations contractuelles entre les réseaux de distribution et les commerces de détail. Il prévoit l’exigence d’une échéance commune, fixe comme règle que la résiliation de l’un des contrats visés par le législateur vaut résiliation de l’ensemble des contrats et impose la mise en conformité des contrats en cours un an après la promulgation de la loi. Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions, qui ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle et aux conventions légalement conclues, conformes à la Constitution’». »En l’occurrence, elle considère que la clause de non-réaffiliation litigieuse est contraire à l’article L. 341-2 susvisé, dès lors que :
-Cette clause avait pour effet d’interdire au franchisé de « s’affilier, d’adhérer, de participer directement ou indirectement à un réseau d’agences immobilières national ou régional concurrent ou d’en créer un lui-même ou encore de représenter ou de se lier à tout groupement, organisme, association ou société concurrent [du franchiseur], et ce, dans le département de la ville désignée au présent contrat ».
– « Ce faisant, la clause ne satisfait pas à la condition posée par le 2° du I de l’article L. 341-2 du code de commerce en ce qu’elle n’est pas limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant a exercé son activité pendant la durée du contrat mais couvre l’ensemble du département des Alpes-Maritimes ».
Elle déboute en conséquence le franchiseur de sa demande fondée sur ladite clause de non-réaffiliation.
Régis Pihéry
Avocat Associé