Transaction après un licenciement pour faute grave : ne craignez plus l’URSSAF
Selon une pratique contestable de l’URSSAF depuis de nombreuses années, en cas de conclusion d’une transaction avec un salarié à la suite d’un licenciement pour faute grave, l’entreprise s’expose à un redressement de la part des URSSAF sur une partie de l’indemnité transactionnelle versée, celle correspondant au préavis théorique.
Pourtant on sait que selon l’article L.1234-1 du Code du travail que, en cas de licenciement d’un salarié pour faute grave, ce dernier n’est pas en mesure de solliciter le règlement de son préavis.
De nombreuses Cour d’appel refusaient de suivre l’URSSAF dans ses redressements (CA Aix-en-Provence, 11 mai 2011, n°09/06552 ; Cour d’appel de Lyon, 4 juillet 2017, n°15/09893 ; Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 21 juin 2017, n°15/15391) en les annulant.
Un arrêt de la Cour de cassation, destiné à une large publication, du 15 mars 2018 (n° 17-10.325, F-P+B), vient clairement de statuer en faveur de cette analyse.
La Cour de cassation confirme en effet qu’en présence d’un protocole dont les termes « clairs, précis, sans ambiguïté » expriment clairement la volonté des parties, la preuve de la nature exclusivement indemnitaire de l’indemnité transactionnelle est rapportée par l’employeur, de sorte que l’URSSAF n’est pas fondée à notifier un redressement sur le montant du préavis théorique.
L’indemnité transactionnelle versée suite à une rupture pour faute grave n’inclut donc pas « nécessairement » une indemnité de préavis soumise à cotisations sociales mais peut, au regard des termes du protocole transactionnel négocié par les parties, être totalement exonérée de cotisations sociales (sous réserve des plafonds d’exonération en vigueur).
Les faits :
Il s’agissait comme souvent d’un salarié licencié pour faute grave ayant ensuite perçu une indemnité transactionnelle forfaitaire. L’URSSAF avait notifié un redressement sur la totalité de l’équivalent du préavis théorique.
La décision :
La Cour rappelle le principe :
« il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice »
Puis, en l’espèce, les juges retiennent que :
- les termes des protocoles sont clairs et précis ;
- l’indemnité transactionnelle ne comporte aucune indemnité de préavis et de licenciement ;
- le salarié s’engage à ne demander aucune autre indemnité et à ne poursuivre aucun contentieux ;
- qu’il importe peu que la phrase « le salarié renonce à demander une indemnité de préavis » ne figure pas en toutes lettres dans chaque document car le salarié « renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l’exécution et/ou de la rupture de son contrat » ;
Pour les juges, la preuve était donc rapportée par la société que l’indemnité transactionnelle litigieuse avait un fondement exclusivement indemnitaire, l’indemnité n’entrait pas dans l’assiette des cotisations sociales ;
Conclusion :
Par précaution, en cas de licenciement pour faute grave suivi d’une transaction, vérifier que les deux phrases suivantes sont visées dans la transaction :
- « le salarié renonce à demander une indemnité de préavis » : mais ce n’est plus une formule obligatoire.
- « le salarié renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l’exécution et/ou de la rupture de son contrat »
Benjamin Louzier
Avocat Associé