Un fournisseur de produits de luxe peut interdire la revente de ses produits sur une marketplace
L’arrêt très attendu de la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’affaire Coty a été rendu le 6 décembre (C-230/16). Il s’agit d’une réponse à une question préjudicielle qui avait été posée par le Tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main en Allemagne dans une affaire opposant le fournisseur de produits de cosmétique de luxe, Coty, à l’un de ses distributeurs agréés.
Les produits Coty sont distribués en Allemagne via un réseau de distribution sélective pour préserver son image de luxe. Les points de vente agréés doivent respecter un certain nombre d’exigences en terme d’environnement, d’aménagement et d’agencement. Ces distributeurs sont autorisés à vendre sur internet sous réserve qu’ils se servent de leur propre vitrine électronique ou bien de plate-forme tierces non agréés sans que l’intervention de ces dernières ne soit visible pour le consommateur. Il est en revanche expressément interdit aux distributeurs agréés de vendre en ligne des produits par l’intermédiaire de plate-forme qui opère de façon visible à l’égard du consommateur, telle qu’Amazon par exemple.
Un distributeur agréé qui avait vendu les produits Coty via Amazon a interrogé la CJUE sur la licéité d’une telle clause d’interdiction.
Dans un premier temps la Cour estime qu’un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal à préserver l’image de luxe de ces produits, n’enfreint pas l’interdiction des ententes prévue par le droit de l’Union, pour autant que les conditions suivantes sont respectées :
- le choix des revendeurs doit s’opérer en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire
- les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire.
Alors que la Cour avait jugé dans l’affaire Pierre Fabre (C-439/09), que la nécessité de préserver l’image de prestige des produits cosmétiques en cause ne constituait pas une exigence légitime aux fins de justifier une interdiction absolue de vente de ces produits sur internet, dans l’affaire Coty, elle juge que la clause qui interdit de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur internet de produits de luxe est licite sous réserve qu’elle :
- vise à préserver l’image de luxe des produits concernés
- est fixée d’une manière uniforme et appliquée d’une façon non discriminatoire
- est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi
Récemment, la Cour de cassation s’était prononcée dans une affaire similaire (16-15067) en indiquant qu’une clause interdisant la revente par un réseau de distribution sélective licite de produits sur internet via des plateformes ne constituait pas un trouble manifestement illicite.
Emmanuelle BEHR
Avocate à la Cour