Harcèlement moral : votre rapport d’enquête interne est valable même s’il est partiel !

Dans un arrêt du 29 juin 2022 29 juin 2022 (nº 21-11.437) la Cour de cassation juge qu’un rapport d’enquête partiel, même réalisé sans la présence du CSE, est valable.

  1. Les faits

Informés de faits susceptibles de constituer un harcèlement, l’employeur doit, prendre immédiatement des mesures aux fins de faire cesser ces agissements (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 1152-4)

Il doit mener des investigations pour établir la réalité des faits. S’ils sont avérés, leur auteur sera passible d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement (C. trav., art. L. 1152-5).

En l’espèce, deux salariées avaient dénoncé des faits constitutifs de harcèlement moral et sexuel de la part de leur supérieur hiérarchique. L’une rapportait des « propos récurrents à connotation sexuelle », notamment des propos « graveleux et déplacés » sur son physique ou ses tenues vestimentaires ou celles de collègues, tandis que l’autre signalait une pression quotidienne et des reproches permanents tenant à un management agressif. Prenant les dispositions nécessaires, l’employeur a diligenté une enquête interne et interrogé les salariés en relation directe avec ces faits. Durant l’enquête, le supérieur hiérarchique a reconnu les faits. En conséquence, le 11 mars 2015, il a été licencié pour faute grave.

  1. La décision

Pour la cour d’appel, ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse. En effet, l’enquête sur la base de laquelle il avait été prononcé avait été menée de manière déloyale de sorte que le rapport d’enquête devait être écarté du débat. Parmi les griefs retenus :

– la durée de l’interrogatoire du salarié n’était pas précisée, pas plus que le temps de repos ;

– seules les deux salariées qui se sont plaintes ont été entendues, sans audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés ;

– l’audition des salariées a été commune ;

– les représentants élus du personnel n’avaient pas été informés ou saisis.

Pour la Cour de cassation, les éléments retenus par la cour d’appel étaient toutefois impropres à écarter des débats le rapport d’enquête.

Rappelant que la preuve est libre en matière prud’homale, la Cour de cassation pose pour principe que « le rapport de l’enquête interne, à laquelle recourt l’employeur, (…) peut être produit par l’employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié ».

Et, « il appartient aux juges du fond, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties ». Il importait donc peu que l’enquête présente certaines lacunes, au regard du nombre de salariés interrogés ou du rôle des élus du personnel. Le juge aurait dû prendre en compte le contenu de ce rapport pour apprécier la réalité de la faute, sans pouvoir le rejeter d’emblée au motif de dysfonctionnements dans la réalisation de l’enquête.

  1. L’employeur entend qui il veut

Dans un autre arrêt du 29 juin 2022 (nº 20-22.220), la chambre sociale de la Cour de cassation ajoute des précisions sur la validité de l’enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d’autres salariés. Il n’est pas nécessaire que le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies, ou qu’il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu’il soit entendu.

Benjamin Louzier
Avocat à la Cour, Associé
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