Dans le cadre de leurs contrats de distribution, les fournisseurs peuvent prévoir des clauses par lesquelles ils concèdent une exclusivité territoriale à leurs distributeurs. De telles clauses se retrouvent notamment dans les contrats de concession commerciale ou dans les contrats de franchise lorsqu’elles sont nécessaires pour permettre aux franchisés de réitérer la réussite commerciale du franchiseur.
Sous réserve que l’exclusivité territoriale dont bénéficie le distributeur ne soit pas absolue, la licéité de ce type de clauses est généralement admise au regard des règles de concurrence.
Cette licéité peut toutefois être remise en cause concernant les contrats conclus pour la distribution de produits en Outre-Mer, et ce sur le fondement de l’article L. 420-2-1 du Code de commerce, qui dispose : « Sont prohibés, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises ».
Ainsi que l’illustre une décision de l’Autorité de la concurrence du 29 octobre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne aux Antilles et en Guyane (n° 20-D-16), l’exclusivité territoriale concédée contractuellement au distributeur sur l’un des territoires concernés peut, en effet, être assimilée aux « droits exclusifs d’importation » visés par ce texte.
Au demeurant, même en l’absence de clause prévoyant expressément une telle exclusivité territoriale, des « droits exclusifs d’importation » peuvent être reconnus au regard de certaines pratiques des parties. Dans sa décision du 29 octobre 2020, l’Autorité de la concurrence considère ainsi, s’agissant d’une période où la clause d’exclusivité territoriale avait été supprimée du contrat de distribution, que de tels « droits d’exclusifs d’importation » étaient caractérisés par le fait que le fournisseur avait opposé, notamment dans le cadre de courriels, des « refus de vente à certains distributeurs présents en Martinique en arguant des relations établies avec [son distributeur] sur ce territoire ».
Etant observé qu’en cas de violation des dispositions de l’article L. 420-2-1 du Code de commerce, sont sanctionnés tant les fournisseurs, pour avoir octroyé de tels droits exclusifs d’importation, que les distributeurs, pour en avoir bénéficié. Sauf pour ces derniers à pouvoir justifier que les accords d’exclusivité litigieux sont fondés « sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte », conformément à l’article L. 420-4, III du Code de commerce. Dans sa décision du 29 octobre 2020, l’Autorité de la concurrence a prononcé des amendes d’un montant de 216.000 € à l’encontre du fournisseur et d’un montant de 421.000 € à l’encontre du distributeur.
Régis Pihery
Avocat Associé