Covid 19 : Activité partielle : attention les contrôles se multiplient – Comment vous défendre ?

Une instruction a été adressée par le ministère du Travail aux Direccte le 5 mai 2020 afin de leur présenter les objectifs du plan de contrôle.

  1. Quelles sont les fraudes ?

Selon le ministère du Travail, les comportements frauduleux prennent deux formes principales : la mise en activité partielle de salariés auxquels il est demandé de (télé)travailler, et les demandes de remboursement intentionnellement majorées par rapport au montant des salaires payés.

D’autres situations peuvent être envisagées, par exemple l’hypothèse où l’employeur a sollicité le bénéfice d’une indemnisation au titre de l’activité partielle, alors que le salarié était en congés payés ou en JRTT.

La fraude peut également être caractérisée lorsque le travail s’effectue en présentiel, par exemple lorsque l’entreprise sollicite une demande d’indemnisation, alors que le salarié a été affecté à d’autres tâches. Plus généralement, le fait pour un employeur de demander à un salarié placé en activité partielle de travailler pendant les périodes chômées constitue une fraude.
 

2. Les sanctions ?

Demande frauduleuse d’indemnisation : la peine encourue en cas de demande frauduleuse d’indemnisation est de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (150 000 € pour les personnes morales).

Escroquerie : l’escroquerie a été retenue dans une affaire où l’employeur avait non seulement établi une fausse déclaration à l’appui de sa demande, mais encore accompagné celle-ci d’états nominatifs ne distinguant pas les périodes travaillées des périodes non travaillées, le tout sans établir de décompte des heures de travail par salarié. Lorsque la qualification d’escroquerie est retenue, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 € d’amende (3 750 000 € pour les personnes morales), dans la mesure où l’infraction est commise au préjudice d’une personne publique.

Travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié : si des heures effectivement travaillées n’apparaissent pas, l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié sera susceptible d’être caractérisée. Ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (225 000 € pour les personnes morales).

Sanctions civiles : l’employeur devra en outre rembourser les sommes perçues au titre de l’activité partielle.

Il s’expose également à une interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de cinq ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle.

Il encourt enfin un risque de redressement de l’Urssaf qui pourra considérer que les indemnités d’activité partielle ayant été versées en contrepartie d’un travail, elles constituent un revenu d’activité soumis à cotisations sociales.

3.Comment se déroule le contrôle de l’administration ?

Il est demandé aux Direccte de traiter rapidement et systématiquement tout signalement transmis par les salariés, les organisations syndicales ou les CSE.

Une instruction ministérielle du 14 mai 2020 autorise les contrôles croisés entre administrations.

Le contrôle est assis sur « trois piliers ». Il est effectué sur la base :

  • d’un échantillonnage ;
  • des extractions fournies par l’ASP (Agence de services et de paiement) ;
  • des signalements déposés auprès de la Direccte (ASP, Urssaf, salariés…).

Le plan de contrôle prévoit trois types de vérifications :

  • la détection et le croisement de données administratives (il est prévu un croisement de données entre les bases de l’ASP et de la DSN) ;
  • un contrôle sur pièces (bulletins de paie, avis du CSE…) ;
  • un contrôle sur place permettant de réaliser un examen approfondi et, le cas échéant, d’interroger le chef d’entreprise, des représentants du personnel et des salariés.

4. Quelles sont les entreprises ciblées

Dans le cadre de l’instruction ministérielle du 5 mai 2020, il est demandé aux agents de contrôle de porter une attention particulière :

  • aux entreprises qui ont demandé une indemnisation sur la base de taux horaires élevés ;
  • aux secteurs fortement consommateurs d’activité partielle, notamment le BTP et les activités de service administratif, de soutien et de conseil aux entreprises ;
  • aux entreprises dont l’effectif est composé en majorité de cadres, dont l’activité est davantage susceptible d’être exercée en télétravail.

    5. Comment s’y préparer ?

Il ressort des premiers contrôles que la Direccte demande communication des éléments suivants :

  • justificatifs détaillés précisant les effets de l’épidémie Covid-19 sur l’activité de l’entreprise ;
  • copie :
    • des bulletins de paie des salariés faisant apparaître le taux horaire brut initial et les heures ou jours chômés au titre de l’activité partielle,
    • des plannings des intéressés,
    • des accords d’entreprise ou de groupe justifiant les éventuels calculs de taux majorés (durée du travail supérieure à 35 heures hebdomadaires),
    • des contrats de travail des salariés en forfait en jours ou en heures,
    • des justificatifs et nom des salariés placés en activité partielle motivée par la nécessité de garder leur(s) enfant(s) ou en situation de vulnérabilité face au Covid-19 pour eux-mêmes ou leur(s) proche(s) ;
  • PV du CSE relatif à la mise en activité partielle.

Ainsi, afin de se préparer aux futurs contrôles, les DRH ont donc intérêt à réunir deux grandes catégories de documents :

  • ceux de nature à justifier le taux horaire sur la base duquel la demande d’indemnisation a été effectuée.

Cela concerne, en premier lieu, les bulletins de paie faisant apparaître le nombre d’heures chômées indemnisées au titre de l’activité partielle, le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité, ainsi que le montant de l’indemnité correspondante versée au salarié.

Il conviendra de prêter une attention particulière à cette présentation. Si le bulletin de paie n’est pas conforme, il faudra s’empresser d’établir un document distinct reprenant les informations requises.

Cette première série d’éléments comprendra également tous les documents de nature à justifier le calcul du taux horaire et notamment ceux relatifs à la durée du travail (contrats de travail, accords d’entreprise…) ;

  • ceux de nature à justifier l’arrêt ou la diminution du nombre d’heures (exemple : plannings).

Il faudra ici veiller à établir un décompte précis du temps de travail pour chaque salarié.

Une attention particulière devra être portée aux salariés placés en télétravail. Pour ces derniers, il est indispensable de bien délimiter les plages d’activité et les plages de déconnexion.
 

6. Comment se défendre ?

Les Direccte devront distinguer entre les entreprises qui, de bonne foi, ont fait des erreurs lorsqu’elles ont renseigné leurs demandes d’indemnisation, et celles qui ont fraudé. Dans le premier cas, un droit à l’erreur est instauré. La Direccte devra engager un dialogue avec l’entreprise en vue d’une régularisation à l’amiable. Dans le second cas, en revanche, la plus grande fermeté est requise.
 

7. Quid des « salariés zélés » ?

Attention de ce point de vue à l’attitude de certains salariés zélés, tentés de télétravailler au-delà de leur nouvelle durée du travail réduite.

L’employeur risque-t-il d’être considéré comme ayant eu recours frauduleusement à l’activité partielle ?

C’est probablement le volume d’heures effectuées et l’attitude complaisante ou pas du dirigeant et des managers qui détermineront l’élément intentionnel de l’infraction.

A minima, il convient de rappeler à ces salariés qu’ils n’ont pas à télétravailler pendant les heures chômées et qu’ils doivent s’en tenir scrupuleusement aux plannings qui leur ont été communiqués.

Benjamin Louzier
Avocat Associé