Franchise et clause de non-concurrence : les activités de restauration rapide de hamburgers et de pizzas sont des activités concurrentes
Dans un arrêt du 13 décembre 2017 (RG n°15/20195), la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la portée d’une clause de non concurrence stipulée dans le contrat d’un franchisé de réseau de restauration rapide de hamburgers.
Cette clause interdisait à la société franchisée et à son gérant associé, pendant la durée du contrat de franchise, de « créer, participer, exploiter ou s’intéresser d’une quelconque manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes ou par personne interposée, seul ou conjointement avec une autre personne, entreprise ou société, en quelque qualité que ce soit et notamment en qualité d’actionnaire, administrateur, dirigeant de droit ou de fait, mandataire, gérant, salarié ou associé, à toute entreprise, société ou commerce ayant une activité identique, substituable ou similaire et qui serait dès lors concurrente de celle de l’une des unités du réseau [de franchise] ou non relevant de la restauration rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu’elle soit, et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR (Syndicat national de l’Alimentation et de la Restauration Rapide), sauf accord préalable écrit du franchiseur qui répondra dans les 30 jours de la demande ».
Ayant découvert que le gérant associé détenait par ailleurs, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une société holding, 65% des parts d’une société franchisée d’un réseau de restauration rapide de pizzas, le franchiseur avait assigné son franchisé aux fins d’obtenir la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs et sa condamnation au paiement de l’indemnité contractuelle prévue.
La Cour d’appel fait droit à ces demandes, considérant – au terme d’une analyse particulièrement détaillée – que les activités de restauration rapide de hamburgers et de pizzas sont des activités concurrentes :
- S’il est possible de distinguer « plusieurs familles au sein du secteur de la restauration rapide, suivant la nature des produits vendus, à savoir les hamburgers, les sandwicheries, les viennoiseries, les pizzas et les sushis par exemple», il n’en demeure pas moins que « cette seule différence relative à la nature du produit vendu, ne peut occulter tous les autres points communs fondamentaux entre tous les acteurs du marché de la restauration rapide, à savoir le mode de distribution propre à la restauration rapide, les prix bas pratiqués, la clientèle cible privilégiant les consommations nomades, les modes de consommation avec des conditionnements et vaisselle jetable, de fonctionnement, en franchise et en limitant les produits commercialisés ».
- Les « caractéristiques élémentaires entre les deux modes de fonctionnement [du réseau du demandeur et du réseau concerné de restauration rapide de pizzas] sont nombreuses», à savoir « un service presque instantané, un produit à faible coût, des choix de menus limités et standardisés, des articles avec des spécificités et une qualité constante, élaborés avec des produits alimentaires semi-élaborés ou finis, des ventes aux comptoirs avec des produits (nourriture et boissons) pouvant être consommés sur place ou à emporter, des horaires d’ouverture larges, des méthodes ou systèmes pouvant être mis en œuvre par une main d’œuvre semi-qualifiée ».
- « Les différences invoquées par les défendeurs, concernant la composition du produit, le mode de fabrication (grill ou four) et le mode de consommation (à la main pour le hamburger et à emporter pour la pizza) ne suffisent pas à distinguer les deux activités, la clientèle, les motivations de celle-ci, les prix, et le mode de distribution ».
- « Le consommateur fera le choix du secteur de la restauration rapide et de ses particularités, à savoir les prix et les modes de distribution, pouvant donc choisir un hamburger indifféremment d’une pizza ».
- « Le secteur d’activité doit être considéré comme étant identique, s’agissant du secteur de la restauration rapide, ce que relève d’ailleurs la clause, qui pose comme critère essentiel à la définition de l’activité concurrente celui du domaine de la restauration rapide. Celle-ci ne porte pas tant sur le produit qui est vendu que sur la manière de le consommer et de le commercialiser, à savoir la restauration rapide suivant les critères définis ci-dessus, qui priment d’ailleurs dans le secteur de la restauration rapide ».
L’appréciation d’une situation de concurrence entre deux activités peut ainsi être opérée au regard non seulement de la nature des produits ou services concernés mais également de leur mode de consommation et de distribution. Nul doute que les franchiseurs sauront en tenir compte pour définir les contours des obligations de non-concurrence mises à la charge de leurs franchisés, qu’elles portent sur la période contractuelle ou post contractuelle.
Régis Pihéry Avocat Associé