Rejets de demandes de franchisés dénonçant le caractère non sérieux des prévisionnels transmis par leur franchiseur
Ainsi que l’a rappelé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 septembre 2017 (pourvoi n°15-19.740), « si les comptes prévisionnels ne figurent pas dans les éléments devant se trouver dans le document d’information précontractuelle [visé à l’article L. 330-3 du Code de commerce], ils doivent, lorsqu’ils sont communiqués, présenter un caractère sérieux ».
Dans plusieurs affaires, des franchisés entendaient dénoncer le caractère erroné, irréaliste ou non sérieux des prévisionnels leur ayant été communiqués par leur franchiseur en vue d’obtenir l’annulation du contrat de franchise pour dol (CA Paris, 27 sept. 2017, RG n°15/03296 ; CA Aix-en-Provence, 28 sept. 2017, RG n°2017/276 ; CA Lyon, 12 oct. 2017, RG n°16/04794 ; CA Orléans, 26 oct. 2017, RG n°16/03350).
Leurs demandes sont rejetées, les juges relevant, selon les affaires, que :
- Le franchisé ne démontrait pas que «les chiffres qui lui ont été transmis se soient révélés grossièrement erronés, [leur franchiseur] démontrant au contraire que des franchisés situés dans des villes de taille comparable à Bourgoin Jallieu avaient eu une activité à la rentabilité conforme aux prévisions » et qu’« il revenait au franchisé d’établir son prévisionnel à partir des données transmises par le franchiseur » (CA Paris, 27 sept. 2017, RG n°15/03296).
- Un avertissement figurait sur les comptes prévisionnels communiqués au franchisé, aux termes duquel « ce document n’a qu’une valeur indicative et ne garantit en rien les futurs résultats de l’exploitation, qu’un certain nombre de charges sont calculées à partir de ses expériences antérieures et de ratios obtenus à partir des magasins de ses franchisés, que les données concernant les différents investissements sont des estimatifs et sont susceptibles d’être réajustés en fonction des besoins spécifiques du magasin et des devis de ses partenaires, et (…) que, conformément à l’article 1.5 du contrat d’option, il appartient au candidat de le faire contrôler par le cabinet ou le conseil de son choix.» (CA Aix-en-Provence, 28 sept. 2017, RG n°2017/276) ;
- Le franchisé avait « réalisé une analyse critique» des comptes prévisionnels communiqués par le franchiseur, « avec l’appui d’un professionnel du chiffre, pour en majorer les indicateurs pour tenter d’obtenir un financement plus important » et que ce dernier n’était pas dispensé « de réaliser par lui-même, notamment pour asseoir la crédibilité de ses demandes aux financeurs, une analyse concrète des risques et bénéfices escomptés dans l’opération » (CA Lyon, 12 oct. 2017, RG n°16/04794) ;
- En lui remettant les documents précontractuels, le franchiseur avait « explicitement attiré l’attention du destinataire « sur l’utilité de compléter ces informations par des études de marché et analyses propres à votre projet », en expliquant que « l’information qui vous est fournie dans le cadre de la communication de ce document ne vous dispense pas, en effet, de faire procéder à une étude plus complète du marché et des études prospectives de votre exploitation, notamment par l’établissement d’un compte d’exploitation professionnel» ; « cette mise en garde, nécessaire, était suffisamment claire pour quiconque, et elle n’a pu échapper aux époux [franchisés, dont la femme] avait suivi une école préparatoire HEC et un cursus universitaire, participé à la gestion courante de l’entreprise familiale de terrassement pour finir par la création d’une société de construction marchand de biens en 2007, et le mari qu’il avait successivement dirigé trois centres [franchisés] avant de devenir directeur chez [un franchiseur], ce qui constituait, pour l’un comme pour l’autre (…) une formation et une expérience amplement suffisantes pour leur permettre de comprendre la portée de cet avertissement, la nature et les limites de l’étude reçue, et la nécessité de faire procéder par eux-mêmes à l’étude de marché et à l’établissement d’un compte professionnel sans lesquels la création d’une telle entreprise serait hasardeuse, ce qu’ils ont pourtant décidé de ne pas faire ; » (CA Orléans, 26 oct. 2017, RG n°16/03350).
Régis Pihery
Avocat Associé