Harcèlement moral ne veut pas forcément dire faute intentionnelle de l’auteur.
Dans une décision du 13 décembre 2016 (15-81.853 FS-PB), la Cour de cassation vient de juger que l’élément intentionnel du délit de harcèlement moral dans le cadre du travail ne se confond pas avec la faute intentionnelle, au sens de l’article L. 452-5 du Code de la sécurité sociale, qui suppose que soit établi que l’auteur a voulu le dommage survenu à la victime à la suite de ses agissements.
Explications :
Lorsqu’un accident du travail est dû à « une faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés » :
- la victime peut agir contre l’auteur de l’accident, selon le droit commun de la responsabilité civile, pour obtenir la réparation intégrale de son préjudice (au-delà de la réparation forfaitaire prévue par la législation sur les accidents du travail) ;
- la Cpam peut intenter, contre l’auteur de l’accident, une action en remboursement des sommes versées à la victime, telles que les prestations et indemnités AT-MP, les frais d’expertise et les sommes allouées au titre des préjudices extra-patrimoniaux.
Pour être retenue, la faute intentionnelle « suppose un acte volontaire accompli avec l’intention de causer des lésions corporelles » (Cass. soc., 11 janvier 1989, nº 87-12.781).
Dans cette affaire un manager du magasin Carrefour de Sallanches, a été déclaré coupable du chef de harcèlement moral, pour des agissements s’étant étendus d’octobre 2002 à décembre 2005, par la juridiction pénale.
La Cpam a agi contre ce manager en personne en lui réclamant plus de 330.000 € reconnu coupable du délit de harcèlement moral sur une de ses subordonnées, ce harcèlement ayant donné lieu à une prise en charge au titre d’un accident du travail.
Pour la caisse, le délit de harcèlement moral est une infraction intentionnelle, de sorte qu’à partir du moment où le supérieur hiérarchique en a été reconnu coupable, la faute intentionnelle du Code de la sécurité sociale est également nécessairement constituée.
Ce raisonnement a toutefois été invalidé par la Cour de cassation : l’élément intentionnel du délit de harcèlement moral ne se confond pas avec la faute intentionnelle du Code de la sécurité sociale.
Le fait qu’un salarié ait été reconnu coupable de harcèlement moral ne suffit donc pas à établir que l’accident du travail qui en a résulté est dû à sa faute intentionnelle au sens de l’article L. 452-5 du Code de la sécurité sociale.
Cette faute intentionnelle suppose en effet d’établir que l’auteur a voulu le dommage survenu à la victime à la suite de ses agissements.
Or, l’article 222-33-2 du Code pénal ne subordonne pas la reconnaissance du délit de harcèlement moral à une telle intention malveillante.
Les juges ont considéré que si les actes avaient bien été accomplis de manière volontaire, avec la conscience de leurs effets sur les conditions de travail (ce qui permettait de retenir le délit de harcèlement moral), il n’était pas établi que le supérieur hiérarchique avait eu l’intention de porter atteinte à la santé de la salariée (ce qui conduisait à écarter la faute intentionnelle du Code de la sécurité sociale).
Les faits de l’espèce étaient d’ailleurs intéressants : les juges ont relevé que le salarié avait agi dans un contexte de réorganisation, qui le soumettait lui-même à des fortes contraintes de la part de sa hiérarchie, de sorte que ses agissements n’avaient pas été commis en vue de porter atteinte à la santé de l’intéressée.
Benjamin Louzier
Avocat Associé