Domaine public : pouvoirs du préfet et pouvoirs de la collectivité publique sont concomitants.
1. Le domaine public, qui est de plus en plus fréquemment le siège d’activités économiques, bénéfice d’une protection particulière de rang constitutionnel.
Pour ce qui est certains domaines publics (maritimes, fluviaux et militaires essentiellement), la loi confère au préfet un pouvoir spécifique lui permettant d’assurer leur protection et leur intégrité (tant contre les dommages matériels que contre des occupations irrégulières), dénommé « contravention de grand voirie ».
Ainsi, par exemple, lorsqu’une personne s’implante sur l’emprise d’un port départemental dans des conditions irrégulières, le préfet peut engager la procédure de contravention de grande voirie visant à lui infliger une amende pécuniaire et à l’obliger à supprimer ses installations, indépendamment de l’action du Département lui-même.
Le préfet, autorité de l’Etat, agit alors pour protéger le domaine public appartenant à une collectivité locale. Dans une telle situation, se pose la question de savoir s’il est normal que l’Etat puisse agir et interférer dans la gestion, par une collectivité locale, de son domaine public.
2. Saisi de cette question, le Conseil d’Etat a jugé que la protection du domaine public en général justifiait l’intervention de l’Etat concomitamment aux pouvoirs que peut détenir, par ailleurs, une collectivité publique pour gérer, protéger et préserver son propre domaine public (CE, 19 septembre 2016, SARL Cassis Cap et M. A… B…, req. n° 401016).
Cette réponse du Conseil d’Etat a été donnée à l’occasion d’une demande de question prioritaire de constitution qui lui avait été posée – et qu’il a donc rejetée.
3. Au-delà de certaines interrogations juridiques que suscitent cette décision (le Conseil d’Etat indiquant que l’intervention de l’Etat pour la protection du domaine public des collectivités locales [qui sont indépendantes] résulte non pas de la législation mais « d’une jurisprudence constante»), les opérateurs économiques exerçant leur activité économique sur le domaine public doivent appréhender sa portée.
En effet, le Conseil d’Etat donne clairement une « feuille de route » en rappelant :
- d’une part que le préfet doit veiller à l’utilisation normale du domaine public et à mettre en œuvre les procédures à cette fin, sans pouvoir s’en abstenir pour « des raisons de simple convenance administrative », et ce sous le contrôle du juge administratif ;
- d’autre part que les collectivités locales peuvent saisir le juge administratif aux mêmes fins, c’est à dire l’évacuation des lieux et la remise en état (moins, naturellement, l’amende pécuniaire), y compris par la voie du référé.
Les opérateurs économiques occupants des dépendances du domaine public doivent donc être vigilants à leur situation car en cas de difficulté – ou d’occupation estimée irrégulière par le représentant de l’Etat et/ou la collectivité publique – ils peuvent avoir à faire à face plusieurs actions juridictionnelles concomitantes, au demeurant assez lourdes.
Alexandre Le Mière
Avocat associé