Permis de construire : le Conseil d’Etat précise les règles applicables à l’encontre des documents d’urbanisme contestés
Par un arrêt du 10 octobre 2011 (Commune de Ramatuelle, req. n°329623), le Conseil d’Etat a apporté une précision très importante sur le régime de l’illégalité ou de la déclaration d’illégalité d’un plan d’occupation des sols par un juge administratif.
1- Rappelons au préalable que les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), au même titre que d’autres documents d’urbanisme, peuvent être contestés de façon directe dans les deux mois suivant leur publication. Si ce délai est expiré, le PLU peut cependant encore être contesté de façon indirecte à l’occasion d’un recours contre un permis de construire (c’est le mécanisme de « l’exception d’illégalité »).
Pour éviter les annulations de pure forme le Législateur a (par une loi de 1994) neutralisé les irrégularités formelles pouvant affecter un PLU : par l’article L.600-1 C. Urb. il a en effet décidé qu’aucun vice de forme ne pourrait être invoqué plus de six mois après l’adoption du PLU à l’occasion d’un recours indirect.
Parallèlement, le Législateur a également précisé (dans la même loi de 1994) la situation juridique en cas d’annulation (directe ou indirecte) d’un PLU : il a décidé que dans ce cas, le document d’urbanisme immédiatement antérieur (ou à défaut d’un tel document, les dispositions du Code de l’urbanisme) sont « à nouveau » en vigueur (cf. actuel art. L.121-8 C. Urb.).
Ces deux règles permettent d’une part de sécuriser un peu plus les documents d’urbanisme et d’autre part de permettre aux constructeurs d’anticiper un peu mieux sur l’environnement juridique de leurs projets.
2- On pouvait ainsi penser que la combinaison de ces dispositions excluait, en toute hypothèse, que des arguments de légalité formelle puissent être invoqués contre un PLU au-delà du délai de 6 mois après de son édiction.
Mais, ce n’est pas la réponse qui a été fournie par le Conseil d’Etat.
Sans remettre en cause la règle fixée à l’article L.600-1 C. Urb., il juge que lorsque le PLU a été précédemment déclaré illégal (de façon indirecte) dans le cadre d’un autre contentieux, le juge administratif doit en tenir compte, quel que soit le motif d’annulation (c’est-à-dire même s’il s’agit d’un motif de forme).
Ainsi, si le Conseil d’Etat ne neutralise pas l’article L.600-1 C. Urb., il fait primer l’article L.121-8 C. Urb. et l’autorité de la chose jugée (c’est-à-dire qu’il confirme que le jugement rendu dans une autre affaire concernant d’autres parties a des conséquences juridiques sur une affaire postérieure).
3- Les constructeurs sont donc incités à s’assurer, avant tout dépôt de leur demande de permis de construire, de la règlementation d’urbanisme effectivement applicable.
Ils doivent donc être viser non seulement à obtenir le Plan Local d’Urbanisme en vigueur mais également à interroger en amont les collectivités publiques sièges de leurs projets sur l’existence d’éventuelles décisions de justice antérieures ou de tout éventuels contentieux en cours susceptibles de remettre en cause le PLU (et ce sans avoir à faire le « tri » entre les motifs de contestation formel ou au fond invoqués par les requérants).
Si la collectivité publique ainsi interrogée confirme l’existence d’une décision antérieure ou d’un contentieux en cours susceptible de remettre en cause le PLU, le constructeur devra alors également solliciter la transmission du document d’urbanisme antérieurement applicable pour vérifier si, quelle que soit l’éventuelle évolution du droit applicable, son projet demeure ou non faisable.
Ce n’est en effet qu’à la lumière de ces informations que les constructeurs pourront d’une part connaitre de l’existence d’un éventuel risque et d’autre part, après analyse, de la consistance de ce risque au moment de l’instruction et la délivrance des permis de construire ou de toutes autres autorisations d’urbanismes, s’assurer de la faisabilité à terme de leur projet.
Ombeline Soulier Dugénie
Alexandre Le Mière
Avocats à la Cour