Concerts, festivals, spectacles contrat public et mise en concurrence
Les manifestations culturelles, festivals et spectacles organisés ou portés par les collectivités locales sont désormais pleinement saisis par le droit public.
Il y a déjà quelques années, le Conseil d’Etat avait statué sur les conditions et modalités de l’instauration d’un service public culturel mis en oeuvre par l’association pour le festival international d’art lyrique et l’académie européenne de musique d’Aix-en-Provence (considérée comme un service in house) et, partant, sur, les conditions de son financement (CE, Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, req. n° 284736).
En 2010, ce secteur d’activité a vu de nombreux litiges tranchés par le juge administratif relatifs au financement des spectacles (cf. par ex. : CE, 5 juillet 2010, Communauté d’agglomération Saint-Etienne Métropole, req. n° 315551) à la conclusion de contrats d’organisation de spectacles (cf. par ex. : TA Melun, 29 avril 2010, Association Vivre Vite, req. n° 1002057) ou encore à leur exécution (cf. par ex. : CE, 3 mars 2010, Commune de Garges-les-Gonesse, req. n° 323076).
Le Conseil d’Etat vient, encore récemment, de se prononcer sur l’organisation du festival de musique des Voix du Gaou à Six-Fours-les-Plages (CE, 23 mai 2011, Commune de Six-Fours-les-Plages, req. n° 342520, publié au recueil Lebon).
La Commune avait conclu une convention de gré à gré avec une société organisatrice pour gérer ce festival et y avait en outre affecté une subvention.
Plusieurs requérants avaient sollicité l’annulation de la délibération autorisant la convention et la subvention, notamment au motif que s’agissant, selon-eux, d’une délégation de service public, cette convention ne pouvait avoir été légalement conclue sans procédure préalable de passation.
Le tribunal administratif de Toulon puis la Cour administrative d’appel de Marseille avaient fait droit aux conclusions des requérants en considérant, compte tenu de la nature des prestations confiées à la société organisatrice, de la circonstance que la commune avait créé le festival et du fait qu’elle le subventionne, que l’organisation du festival relevait d’une mission de service public et donc d’une délégation de service public (DSP).
Le Conseil d’Etat, saisi en cassation, annule l’arrêt de la Cour pour erreur de droit, en jugeant qu’il n’y a pas, en l’espèce, de mission de service public déléguée.
Le Conseil d’Etat estime en effet que la commune n’ayant pas d’implication dans les conditions d’organisation du festival, dès lors qu’elle n’exerçait aucun contrôle sur la programmation artistique ni sur les tarifs des spectacles, il n’y avait pas d’élément permettant de caractériser une mission de service public (et donc une DSP).
Cependant, reprenant l’instruction du litige après avoir annulé l’arrêt de la Cour, le Conseil d’Etat juge que la convention confiant à la société organisatrice l’organisation du festival, les prestations d’exploitation de la billetterie et de promotion du festival est un marché public de service.
Par conséquent, le Conseil d’Etat abouti, in fine, à confirmer la solution des juges du fond en rappelant qu’un marché public ne peut être conclu sans procédure de publicité et mise en concurrence préalable (ce qui le rend illégal).
Il importe donc aux sociétés organisatrices de spectacles intervenant aux côtés ou à la demande de collectivités publiques et à ces dernières d’être très vigilantes sur les conditions juridiques dans lesquelles elles sont amenées à intervenir : dans la majorité des cas, l’organisation et la gestion d’un concert, festival ou spectacle pour une personne publique implique d’être missionné par un contrat public en bonne et due forme conclu à la suite d’une procédure de publicité et de mise en concurrence.
Alexandre Le Mière
Avocat associé