Marché public, le Conseil d’Etat rappelle que la candidature et l’offre ne se confondent pas
L’article 57 du Code des marchés publics prévoit que le candidat remet son dossier dans «une enveloppe comprenant les documents relatifs à la candidature et à l’offre ».
Rappelons que la remise du dossier dans une « enveloppe unique » en appel d’offre ouvert a été réinstaurée par le décret du 19 décembre 2008 (n° 2008-1355 relatif au plan de relance de l’économie dans les marchés publics), justifiée par le souci d’alléger la procédure d’appel d’offres. Rappelons également que cette mesure a été réinstaurée près de 15 ans après sa suppression par le décret du 27 avril 1994 (n° 94-334 portant réforme du Code des marchés publics) qui avait mis en place la « double enveloppe » alors justifiée par la volonté de « séparer clairement les pièces justificatives des capacités techniques et financières des candidats des pièces constituant l’offre des candidats [afin] de garantir une meilleure confidentialité des offres [et] garantir que l’entreprise la mieux disante et, non seulement celle qui propose le prix le plus bas, sera en définitive retenue.» (cf. Rép. min. 06787 du 6 oct. 1994 : JO Sénat, p. 2402).
Cette modification du Code des marchés publics avait conduit de nombreux acteurs publics, et notamment la DAJ-Bercy, à rappeler avec insistance aux pouvoirs adjudicateurs que le principe de séparation de la candidature et de l’offre demeurait : « en revanche, demeure l’obligation incombant à l’acheteur d’examiner les candidatures avant les offres. » (art. 11.2 de la circulaire du 29 décembre 2009 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics).
Le risque de confusion par les pouvoirs adjudicateurs entre la candidature et l’offre avait en effet été envisagé. Mais ce risque existe également pour les entreprises candidates.
Dans la décision Région Réunion du 4 mars 2011 (req. n° 344197), le Conseil d’Etat vient ainsi rappeler que la candidature et l’offre sont distinctes et ne peuvent pas se confondre et que leur phase d’examen et d’analyse sont tout aussi distinctes.
La décision rappelle, en droit, que le Code des marchés publics distingue la phase de sélection des candidatures au cours de laquelle le pouvoir adjudicateur peut demander aux candidats de compléter leur dossier de candidature de « la phase d’attribution du marché » qui conduit à retenir l’offre économiquement la plus avantageuse après élimination, notamment, des offres qui incomplètes.
En l’espèce, le Conseil d’Etat commence donc par annuler, pour erreur de droit, l’ordonnance du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion n’a distingué « ni entre le contenu du dossier de candidature et la teneur de l’offre, ni entre la phase de sélection des candidatures et celle de jugement des offres ».
Il précise ensuite que les dispositions du Code des marchés publics n’autorisent pas les pouvoirs adjudicateurs à demander aux candidats de compléter la teneur de leur offre : par conséquent, en l’espèce, le candidat, dont l’offre était incomplète, ne peut faire grief au pouvoir adjudicateur de ne pas lui avoir demandé de compléter son offre.
En bref, le Conseil d’Etat rappelle donc aux candidats qu’ils doivent être rigoureux et précis dans l’élaboration et la présentation de leur offre pour laquelle il n’y a pas de séance de rattrapage possible.
On ne peut donc que préconiser aux entreprises candidates, dans un souci de rigueur et d’efficacité de présentation de leurs offres, d’être vigilante et de continuer, d’elles-mêmes, à distinguer très clairement leur candidature de leur offre, quitte à les insérer dans deux enveloppes distinctes (ce qui ne leur est pas interdit, sauf éventuellement mention spéciale en ce sens dans les documents de la consultation).
Alexandre Le Mière
Avocat associé