Publication du rapport Besson pour le développement de l’économie numérique
Conscients des perspectives optimistes de croissance de l’économie numérique, surtout au regard du ralentissement de l’économie en général, le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité mettre en place un plan de développement de ce secteur à l’horizon 2012.
Ils ont ainsi demandé à Eric Besson, Secrétaire d’Etat chargé notamment du développement de l’économie numérique, de réfléchir aux points sur lesquels les autorités françaises se doivent d’intervenir pour faire de la France une grande nation numérique d’ici aux quatre prochaines années.
Le rapport d’Eric Besson, intitulé « France Numérique 2012 » (le « Plan »), rendu public le 19 octobre dernier, contient 154 propositions en vue de quatre grandes priorités : (i) permettre à tous les Français d’accéder à Internet en bénéficiant d’une connexion haut débit, (ii) développer la production et l’offre de contenus numériques, (iii) accroître et diversifier les usages et les services numériques dans les entreprises, les administrations et chez les particuliers, (iv) et enfin moderniser la gouvernance de l’économie numérique.
Si chacune de ces priorités comporte, évidemment, des aspects techniques, des évolutions juridiques sont également à prévoir, à l’image, par exemple, de la proposition de création d’un « droit opposable à l’Internet haut débit », sur le modèle du droit opposable au logement. Le Plan contient ainsi un grand nombre d’idées qui pourraient trouver une concrétisation en droit positif, dans le domaine de la propriété intellectuelle, bien sûr, mais également dans d’autres branches du droit.
Sans chercher à dresser un inventaire exhaustif et sans doute rébarbatif des 154 propositions contenues dans le Plan, il est possible d’en présenter brièvement les réflexions les plus intéressantes sur le plan juridique en les classant en cinq catégories : la connexion (1), les contenus (2), la consommation (3), la concertation (4) et le contentieux (5).
1. Connexion
Le Plan prône la création d’un service universel d’accès à l’Internet haut débit afin de permettre à l’ensemble des Françaises et des Français de pouvoir souscrire un abonnement à l’ADSL ou au câble. L’Etat devrait ainsi lancer un appel à candidatures et conclure, in fine, avec les opérateurs retenus, une convention d’accès à Internet haut débit pour tous.
Le Plan propose également de dynamiser l’accès à l’Internet haut débit mobile.
2. Contenus
L’un des aspects les plus intéressants du Plan au regard du droit de la propriété intellectuelle réside sans aucun doute dans la volonté de dynamiser la circulation des oeuvres sur Internet dans un cadre légal et protecteur du droit d’auteur.
C’est pourquoi le Plan préconise la mise au point d’un standard de protection (tatouage des oeuvres) grâce à un banc d’essai des différentes techniques de marquage et la constitution d’un groupe de travail sur ce point.
Par ailleurs, le Plan propose la création d’un répertoire national des oeuvres protégées, qui permettrait ainsi à tout un chacun de connaître précisément le catalogue des différents ayants droit, sur le modèle de l’IDDN, en vigueur depuis de nombreuses années maintenant.
S’agissant de la problématique jurisprudentielle très actuelle relative aux sites communautaires, le Plan envisage, notamment, la rédaction d’une charte d’engagement des acteurs du Web 2.0 à respecter le droit d’auteur. En outre, il propose de sécuriser le statut de l’hébergeur en se servant du socle constitué par la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004.
Le Plan préconise donc de maintenir l’absence de surveillance a priori des contenus hébergés par les hébergeurs mais, parallèlement, d’instaurer une obligation de mettre à la disposition des utilisateurs et des ayants droit les outils permettant l’autorégulation du service.
Dans un autre domaine, il préconise la mise au point d’un statut juridique du jeu vidéo. Depuis longtemps, la jurisprudence hésite quant à la qualification du jeu vidéo (logiciel ou oeuvre audiovisuelle) et, selon le Plan, le régime actuel, tiré du droit d’auteur, ne serait pas satisfaisant. La croissance de ce secteur en France supposerait qu’un statut spécifique soit donc défini en concertation avec tous les acteurs de ce domaine.
3. Consommation
Dans le domaine du droit de la consommation, le Plan propose de trancher la question qui fait actuellement débat devant les juges du fond et même la Cour de cassation relativement à la vente des ordinateurs et de leur système d’exploitation.
Si des décisions récentes ont considéré qu’il s’agissait là d’une vente liée dans l’intérêt du consommateur, le Plan préconise un affichage détaillé du prix du matériel et de celui des logiciels installés, ainsi que la possibilité d’acquérir l’ordinateur sans système d’exploitation.
Toujours en ce qui concerne l’affichage des prix, source d’information pour le consommateur, le Plan propose de mentionner le montant de la rémunération pour copie privée payée lors de l’achat d’un support vierge soumis à cette rémunération.
4. Concertation
De manière originale, le Plan propose de fondre l’ensemble des organismes et comités divers français agissant dans le domaine de l’économie numérique en une seule nouvelle entité dénommée « Conseil National du Numérique ».
Ce nouvel organisme regrouperait les attributions du comité de la télématique anonyme (CTA), du conseil supérieur de la télématique (CST), du forum des droits de l’Internet (FDI), du conseil consultatif de l’Internet (CCI), du conseil stratégique des technologies de l’information (CSTI) et du comité de coordination des sciences et technologies de l’information et de la communication (CCSTIC).
5. Contentieux
Le Plan propose deux grandes orientations dans le domaine du contentieux.
La première vise à intensifier la lutte contre la cybercriminalité, notamment en doublant le nombre d’enquêteurs spécialisés en criminalité informatique d’ici à 2012. Le Plan préconise d’étendre les prérogatives de certains organismes pour prendre en compte de nouvelles formes de cybercriminalité, comme la multiplication des délits de contrefaçon sur Internet.
La seconde vise à dynamiser la justice en ligne en mettant en place, par exemple, une « pré-plainte » en ligne et en dématérialisant les procédures pénales par une interconnexion des services enquêteurs et des juridictions.
Il ne s’agit évidemment que d’un très bref aperçu, très subjectif, des nombreuses propositions du Plan.
Le Plan peut être téléchargé à cette adresse : ici
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour