Le projet de loi de modernisation des entreprises (Chatel II)

Le projet de loi de modernisation des entreprises (Chatel II)

Suite à l’adoption de la loi Chatel le 3 janvier 2008, le gouvernement a décidé de poursuivre la réforme des relations commerciales entre distributeurs/ fournisseur en présentant le 28 avril dernier devant le conseil des ministres un projet de loi dénommée « Loi de Modernisation de l’Economie » (LME). 

Ce projet de loi sera présenté à l’Assemblée nationale à partir du 27 mai et au Sénat à partir du 23 juin prochain.

Le projet de LME recouvre 35 propositions sur les 316 qui étaient présentées par la Commission Attali dans son rapport pour la libération de la croissance.

I. Objectifs de la loi 

L’objectif de la loi est d’agir pour la croissance et l’emploi.

Le gouvernement, grâce à ce projet, prévoit, à partir de 2009, au moins 0,3% de croissance du PIB par an et 50 000 créations d’emploi par année.

II. Les 4 axes de la LME

Le projet de loi comprend 44 articles qui s’articulent autour de 4 axes :

– Simplifier la vie des entrepreneurs et favoriser le développement des PME (titre I) ;

– Faire d’avantage jouer la concurrence (titre II) ;

– Renforcer l’attractivité de l’économie française (titre III) ;

– Mobiliser les financements au service de l’économie (titre IV).

III. Les dispositions du projet de loi intéressant les relations fournisseurs/ distributeurs

– Réduction des délais de paiement

– Négociabilité des conditions générales de vente et suppression de la non discrimination tarifaire

– Renforcement des sanctions

– Instauration d’une autorité de la concurrence

1) Plafonnement des délais de paiement.

L’article 6 de la loi vise à plafonner les délais de paiement à 45 jours fin de mois ou 60 jours date de facturation.

A ce jour, si aucun délai de paiement n’est stipulé dans les conditions de vente, il est réputé de 30 jours après date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

Le Projet LME modifie l’article L.441-6 du code de commerce et impose un délai de paiement maximal.

Un délai de paiement supérieur pourra être défini par des accords interprofessionnels, sous réserve toutefois que certaines conditions soient remplies (article 6 III du projet de LME) :

– le délai devra être motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques au secteur concerné ;

– l’accord devra prévoir la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal

– l’accord devra être limité dans sa durée et ne pas dépassé le 01/01/2012

Si ces conditions ne sont pas remplies, le délai règlement supérieur au délai légal sera considéré comme abusif et sanctionné par l’article L.442-6 du code de commerce.

Aggravation des pénalités de retard.

Le projet de LME prévoit que le taux d’intérêt des pénalités de retard ne pourra être fixé à un taux inférieur à 3 fois le taux d’intérêts légal (actuellement, le taux d’intérêt des pénalités de retard ne peut pas être inférieur à 1,5 fois le taux d’intérêt légal).

2) Négociabilité des CGV

Le projet de LME constitue la dernière étape de la réforme du cadre juridique des relations commerciales engagées depuis la loi Dutreil. Selon le gouvernement, la mise en place de la négociation des CGV permettrait d’introduire davantage de concurrence dans les relations commerciales, l’objectif étant à terme de faire disparaître le système des marges-arrières.

Les fournisseurs pouvaient jusque là différencier leurs conditions générales de vente par catégorie de clients ; ils pourront désormais différencier les conditions tarifaires qu’ils accordent aux distributeurs.

En effet, la LME devrait supprimer l’article L.442-6 I 1° du code de commerce qui dispose qu’engage sa responsabilité le producteur, le fabricant, l’industriel qui « [pratique] à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles , en créant de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ».

Le projet de loi supprime cette interdiction.

La transparence et l’obligation de communication des CGV se limiteront toujours aux clients de la même catégorie.

Le texte interdira en la rendant nulle toute clause permettant de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant, à savoir la clause du client le plus favorisé.

Il s’agit de l’évolution majeure apportée par la loi proposée.

La limite sera dorénavant l’abus de discrimination constitué par des contreparties disproportionnées ou des services inexistants : « D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu » (article L.442-6 I 2° a), qui deviendra 1° selon le projet LME).

Demeurent pour le fournisseur la possibilité d’établir des conditions particulières de vente au-delà des conditions générales de vente catégorielles.

Les principes du triple net pour le calcul du seuil de revente à perte demeure ; le principe du contrat unique annuel également.

Cependant, le projet de LME apporte une autre évolution majeure.

Les avantages financiers correspondant aux services distincts (établissement de statistiques, réalisation d’analyses, catalogues internes, promotion des produits auprès des membres du réseau…) figureront désormais sur les factures du fournisseur.

Se pose dès lors (i) la question de la mention d’une rémunération normalement facturable par le distributeur, sur la facture du fournisseur mais également (ii) celle de la date de facturation de la rémunération : lors de la vente ou lors de la réalisation du service si elles ne sont pas concomitantes.

En outre, il est possible de s’interroger sur les implications techniques et comptables pour les fournisseurs de ces nouvelles dispositions.

Enfin, ceci implique un déplacement de la charge de la preuve du distributeur vers le fabricant bénéficiant du service qu’il rémunère. S’il déduit de sa facture, il le fait nécessairement en connaissance de cause.

Il s’agit peut-être là de la volonté de l’administration.

Enfin, pour les produits et services soumis à un cycle saisonnier ou à une période de commercialisation ne correspondant pas à l’année civile, le contrat cadre annuel pourra être signé dans les deux mois qui suivent le point de départ de la commercialisation du produit.

Pour les autres produits, la date butoir de signature du contrat est toujours le 1er mars.

3) Renforcement des sanctions en cas de violation de l’article L.442-6

Le montant de l’amende civile, comme ce qui est prévu actuellement, devra être inférieure à 2 millions d’euros. Toutefois, le projet LME prévoit que la juridiction statuant sur le montant de l’amende civile pourra porter le montant de l’amende au triple du montant des sommes indûment versées.

Enfin, il est prévu que la juridiction saisie pourra ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision et d’autre part infliger des astreintes.

4) Instauration d’une autorité de la concurrence

L’article 23 du projet LME prévoit la création de l’Autorité nationale de la concurrence. Cette création aura pour objectif de fusionner les pouvoirs du Conseil de la concurrence et de la DGCCRF afin de pouvoir renforcer le système de régulation. L’Autorité Nationale de concurrence disposera non seulement des pouvoirs du Conseil de la concurrence mais disposera en outre de ses propres enquêteurs. D’autre part, cette nouvelle autorité sera en charge d’autoriser ou non les concentrations, cette mission appartenant actuellement au Ministre chargé de l’économie.

Frédéric Fournier
Associé

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