Marché public dématérialisé : la rigueur exigée pour les signatures électroniques (acte d’engagement non signé = offre éliminée)

Marché public dématérialisé : la rigueur exigée pour les signatures électroniques (acte d’engagement non signé = offre éliminée)

1- Les candidats aux marchés publics ont toujours la possibilité de remettre leurs offres par voie dématérialisée. Ils ont y sont même parfois contraints, notamment en matière de marché informatique (art. 56 CMP).

Pour répondre par voie dématérialisée les candidats peuvent être invités à adresser leur offre par courriel ou, le plus souvent désormais, à la déposer sur le « profil d’acheteur », c’est à dire la plateforme informatique dédiée aux procédures de passation utilisée par l’acheteur public.

2- La dématérialisation des offres des candidats n’impacte pas les conditions et principes de remise des offres fixés par le Code des marchés publics ; elle n’affecte que les modalités matérielles de remise des offres.

Comme vient de le rappeler le Conseil d’Etat (CE, 7 novembre 2014, Société BearingPoint France, req. n° 383587), le Code des marchés publics liste les pièces du marché (art. 11 CMP) et précise celles qui doivent être remises dans le cadre de l’offre (art. 48 CMP).

Relève notamment de cette liste l’acte d’engagement. Il s’agit d’un document doublement important. D’abord parce qu’il constitue la pièce à l’appui de laquelle le candidat présente son offre et qui, en outre, indique son offre de prix (cf. formulaire DC3 habituellement utilisé). Ensuite, parce que si le candidat remporte le marché, cet acte d’engagement formalisera, ultérieurement, le marché lui-même.

L’importance de l’acte d’engagement est soulignée par le Code des marchés publics qui précise qu’il constitue la pièce signée qui présente l’offre du candidat.

Cela signifie que l’acte d’engagement doit lui-même être signé de façon manuscrite si l’offre est remise en papier et qu’il doit être électroniquement signé si l’offre est remise par voie électronique (art. 48 CMP).

Si l’offre (et donc l’acte d’engagement) n’est pas signée lors de son dépôt (ou au plus tard à la date limite de dépôt des offres) elle doit être considérée comme irrégulière et doit être éliminée par l’acheteur public.

3- Dans l’affaire précitée, la société candidate avait omis de signer électroniquement l’acte d’engagement tout en ayant bien, apparemment, signé l’ensemble des autres documents produits l’appui de son offre.

Elle a, en conséquence, reçu un accusé réception du dépôt de son offre (conformément aux règles applicables à la plateforme « PLACE » utilisée par le Service des Achats de l’Etat – SAE).

Or, cet accusé de réception mentionnait bien les documents déposés et ceux signés, il ne mentionnait pas le « fichier » attestant de la signature électronique de l’acte d’engagement.

La preuve de dépôt laissait donc apparaitre que l’acte d’engagement n’avait pas été électroniquement signé (ou, tout au moins, que la plateforme « PLACE » n’avait pas enregistré cette signature électronique, ce que le candidat malheureux semble avoir soutenu devant le juge).

Cependant, et c’est là une circonstance probablement importante de cette affaire, le dépôt de l’offre et l’accusé réception simultané généré par le profil d’acheteur ont été réalisés plus de 3 heures avant la date limite de dépôt des offres.

Or, le Conseil d’Etat relève que le candidat disposait de toute la latitude nécessaire et utile pour compléter son offre en procédant, dans ce laps de temps, à la signature électronique de son acte d’engagement.

Le Conseil d’Etat en conclut qu’il est inutile d’invoquer un éventuel dysfonctionnement du profil d’acheteur dès lors que le candidat malheureux ne démontre pas qu’il aurait opéré (ou tenté d’opérer) cette démarche avant la date limite de dépôt des offres.

4- Au terme de cette décision, qui n’est nullement une surprise, il est naturellement conseillé aux opérateurs, candidats aux marchés publics, de mettre en place des process précis de contrôle du dépôt formel de leurs offres.

C’est, en effet, une perte sèche pour l’entreprise que d’investir en temps-hommes et en moyens pour élaborer une offre qui ne sera finalement pas examinée pour une défaillance purement formelle.

Aussi, les opérateurs doivent, impérativement, en amont lister les exigences formelles de dépôt des offres (au sein des documents de la consultation « directement » remis, mais également au sein de ceux visés par ces documents, tels notamment que les guides fixant les règles de fonctionnements des profils d’acheteurs). Il est, à cet égard, conseillé de lister ces exigences sur un document de checking aval.

Les opérateurs doivent, également impérativement, en aval vérifier qu’il respecte chaque étape de l’élaboration formelle de leur offre (fichiers correspondant aux exigences du dossier de consultation ; modalités de dépôt et exigences de signature électronique) et confirmer cette démarche par un contrôle a posteriori au regard de l’accusé réception généré par le profil d’acheteur. Très pratiquement, il est, à cet égard, conseillé d’utiliser la liste précitée comme un document de checking point par point.

 

Alexandre Le Mière

Avocat associé

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