Contrat public : la contestation des contrats signés avant le 4 avril 2014 reste objective

Contrat public : la contestation des contrats signés avant le 4 avril 2014 reste objective.

1- En 2007 le Conseil d’Etat a modifié les modalités de contestation à l’encontre des contrats administratifs CE, Ass., 16 juil. 2007, Sté Tropic Travaux Signalisation, n° 291545).

Il a permis aux « concurrents évincés » qui s’estimaient irrégulièrement écartés de la conclusion du contrat de le contester directement et d’en obtenir, le cas échéant, la résiliation ou l’annulation (ainsi que potentiellement une réparation).

Cependant, cette possibilité n’a été initialement ouverte qu’aux seuls « tiers » concernés par la passation des contrats (c’est à dire les seuls opérateurs économiques), les autres tiers (c’est à dire les « usagers », les élus et le préfet) n’étaient pas autorisés à contester directement le contrat.

Cette différence de situation entre les différentes catégories de personnes intéressées a conduit le Conseil d’Etat à faire encore évoluer la jurisprudence (CE, Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994) et à ouvrir la contestation directe du contrat à l’ensemble des requérants potentiels.

2- Les opérateurs économiques (notamment) se sont saisis de cette nouvelle opportunité de recours.

L’expérience contentieuse que cela a généré a conduit le Conseil d’Etat à affiner et préciser les modalités de recours contre les contrats (ce qu’il opérait également parallèlement en matière de référé précontractuel – CE, Sect., 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, req. n° 305420).

Initialement, la contestation directe des contrats reposait sur des moyens (arguments juridiques) « objectifs » : c’est à dire que dès lors que le requérant était recevable (c’est à dire concerné par l’affaire), il pouvait invoquer tous les points de contestation possibles du contrat, y compris des aspects (juridiques) qui ne le concernaient pas directement, c’est à dire qui ne l’affectaient pas (c’est à dire sans incidence sur son éviction).

A compter de la décision Département de Tarn-et-Garonne les moyens susceptibles d’être invoqués à l’encontre du contrat par le requérant devaient et doivent l’avoir lésé (c’est à dire l’avoir affecté en ce sens que l’irrégularité éventuellement commise doit être rapport avec sa situation – à l’exception des irrégularités très importantes qui peuvent toujours être invoquées). C’est ce que la jurisprudence désigne sous la qualification de « vices en rapport direct avec l’intérêt lésé » et que l’on peut considérer comme « subjectifs ».

Cette nouvelle modalité de recours s’applique toutefois aux seuls recours engagés contre des contrats signés à compter du 4 avril 2014 (date de la décision) et ce afin d’éviter de donner un effet rétroactif à la jurisprudence.

3- La décision Département de Tarn-et-Garonne a donc apporté deux innovations : (i) elle a étendu la possibilité de contester directement le contrat à toutes les personnes concernées par le contrat (et non aux seuls opérateurs économiques) et (ii) elle a limité les moyens invocables à ceux qui affectent réellement la situation du requérant (les « vices en rapport direct avec l’intérêt lésé » « subjectifs »).

La question qui s’était posée à la suite de cette décision était de savoir si la nouvelle modalité de recours reposant sur les « vices en rapport direct avec l’intérêt lésé » s’appliquait aux opérateurs économiques pour les contrats signés avant le 4 avril 2014 ou seulement aux contrats signés après.

Le Conseil d’Etat a clairement tranché cette question par la décision Société « Voyages Guirette » (CE, Sect., 5 février 2016, req. n° 383149) en plaçant tout le monde dans la même situation par rapport à la date du 4 avril 2014.

Le système des « vices en rapport direct avec l’intérêt lésé » ne s’applique donc qu’aux contrats signés après le 4 avril 2014.

En l’espèce, le Conseil d’Etat fait application de la règle en confirmant l’arrêt de la Cour administrative d’appel qui avait résilier le contrat qui avait été contesté au motif qu’il reposait sur un marché à bons de commande de 6 ans (alors que l’article 77 du Code des marchés publics le limite, sauf exception dûment justifiée, à 4 ans).

Alexandre Le Mière
Avocat Associé

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