Comment faire condamner le salarié à réparer le dommage causé à l’entreprise ?
Il est possible de faire condamner un salarié à dédommager l’employeur lorsque sa faute cause un préjudice à l’entreprise.
- Les faits
Dans cette affaire (Cass. crim., 14 janv. 2025, nº 24-81.365 F-B) la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme qu’une faute lourde n’est pas requise lorsque l’employeur intervient au pénal, en tant que partie civile, pour obtenir réparation d’un dommage résultant d’une infraction commise par le salarié.
En l’espèce, un salarié avait causé un accident en conduisant un véhicule de l’entreprise sous l’emprise de cannabis et à une vitesse excessive.
Déclaré coupable en récidive par le tribunal correctionnel, puis la cour d’appel, il a été condamné à indemniser son employeur à hauteur de plus de 100 000 €, couvrant les frais de dépannage et de réparation du matériel endommagé.
Le salarié a alors fait valoir que sa responsabilité pécuniaire ne pouvait être engagée qu’en présence d’une faute lourde ou d’une infraction intentionnelle. Il reprochait aux juges du fond de ne pas avoir recherché si sa conduite dangereuse répondait à ces critères.
- La décision
La Cour de cassation a rejeté cet argument. Elle souligne que l’action civile de l’employeur visait à obtenir réparation d’un dommage et ne constituait pas une sanction pécuniaire interdite par l’article L. 1331-2 du Code du travail. Dès lors, les juges du fond n’avaient à établir l’existence ni d’une faute lourde ni d’une intention de nuire de la part du salarié envers son employeur.
Conclusion : il nous semble que cette décision pourrait permettre à tout employeur de demander réparation même devant le Conseil de prud’hommes lorsque le salarié lui cause un préjudice dans le cadre de l’exécution du contrat. Les exemples sont multiples (voiture de fonction rendue sans avoir été entretenue, faute d’un salarié vis-à-vis d’un client entrainant la perte du client, etc.)
Benjamin LOUZIER
Associé/Partner
Avocat Spécialiste en droit social/Expert in Labour Law
Le PLU bioclimatique de Paris : les enjeux et implications juridiques en matière environnementale
Ci-après le lien de l’article d’ Ombeline SOULIER DUGENIE publié sur le site d’Environnement Magazine : https://www.environnement-magazine.fr/territoires/article/2025/02/03/151509/plu-bioclimatique-paris-les-enjeux-implications-juridiques-matiere-environnementale
Redlink : Excellent en droit de la distribution :
Redlink : Incontournable en droit de la franchise :
Redlink dans les plus belles croissances :
Redlink dans le top 100 des cabinets français (91ème)
Non joignabilité hors temps de travail : entretien entre Deborah Fallik et Valérie Boccara sur ce sujet important – Lextenso Actu-juridique
Ci-après le lien vers votre interview écrite publiée ce jour sur Actu-Juridique : https://www.actu-juridique.fr/social/travail/limpossibilite-pour-un-salarie-detre-joint-en-dehors-de-ses-heures-de-travail-ne-constitue-pas-une-faute/
***
Deborah FALLIK
Avocate à la Cour / Attorney-at-law
Associée / Partner
Harcèlement moral : attaquer le médecin qui rédige un certificat médical de complaisance
En cas de harcèlement moral, pour établir le lien de causalité entre le comportement de l’auteur et l’atteinte à la santé psychique de la victime, les juges sont particulièrement sensibles à la production d’un certificat médical qui, parce que son auteur est doté d’une compétence technique et est extérieur aux faits, emporte une force probante importante.
En droit, selon une jurisprudence constante, le médecin du travail est le seul à pouvoir entendre le salarié, l’employeur et les collègues de travail, peut mettre en évidence un lien de causalité entre l’état psychique dégradé du salarié et son contexte professionnel.
On voit souvent dans les dossiers contentieux des certificats médicaux de complaisance de médecins divers, ce qui peut entrainer d’importantes sanctions disciplinaires. Il faut donc attaquer la validité du certificat médical devant le Conseil de l’Ordre, ce qui est ensuite une arme redoutable devant le juge car le certificat n’a plus de valeur.
En effet (CSP art. R 4127-76) :
« L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. »
Exemples concrets issus de la jurisprudence de la Chambre Nationale des Médecins :
- Affirmation hasardeuse d’un lien de causalité entre l’état de santé psychique de la victime et la dégradation de ses conditions de travail alors que le médecin n’avait pu, personnellement, les constater.
- Sanction du médecin qui mentionne « une décompensation anxio-dépressive réactionnelle à une situation de conflit personnelle »
- Sanction du médecin qui qualifie juridiquement les faits ou les impute à une personne identifiée. « L’existence d’un « harcèlement moral professionnel » est une appréciation qui « ne saurait relever des constatations de nature exclusivement médicale que les médecins sont habilités à faire à partir de l’examen de leurs patients ».
- Ainsi un psychiatre a été temporairement interdit d’exercer la médecine pendant trois mois pour avoir fait mention d’une situation de « malaise avec angoisse intense sur le lieu de travail (suite au harcèlement moral et à la souffrance au travail) (anxiété massive et troubles du sommeil) » .
- Un autre a été sanctionné d’un avertissement pour s’être interrogé sur une éventuelle « mise en danger d’autrui » et atteste d’une « maltraitance professionnelle ».
- Sanction du médecin s’approprie les dires de la victime plutôt que de faire état des propos du patient. Le Conseil national de l’ordre des médecins le rappelle : « S’il peut faire état de propos du patient se rapportant à l’origine de l’affection constatée, des dires relatifs aux causes de l’affection ou de la blessure constatée, il doit veiller à ne pas se les approprier s’il n’a pas été en mesure d’en vérifier la véracité. » .
Benjamin LOUZIER
Associé/Partner
Avocat Spécialiste en droit social/Expert in Labour Law
Licenciement économique : attention à la notion de secteur d’activité
Lorsqu’un licenciement économique est envisagé dans une entreprise appartenant à un groupe, le motif économique doit être apprécié, non pas à l’échelle de l’entreprise, mais au niveau du secteur d’activité commun avec les autres entités du groupe situées sur le territoire national (C. trav., art. L. 1233-3).
Un arrêt rendu le 8 novembre par le Conseil d’État (Conseil d’État, Chambres réunies, Décision nº 469696 du 8 novembre 2024, Requête nº 24-566 bis) précise que la spécialisation de l’entreprise ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d’activité plus étendu.
- Les faits :
Dans le cadre d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, un groupe avait décidé de fermer l’un de ses sites et élaboré un PSE.
L’inspecteur du travail avait, après avoir vérifié les circonstances de la rupture.
Un litige s’est toutefois noué autour du secteur d’activité retenu par l’employeur et l’administration pour l’appréciation de la cause économique du licenciement.
Le groupe était structuré en trois segments d’activité distincts : la dermatologie de prescription, la dermatologie esthétique et correctrice, et la dermatologie cosmétique grand public. L’entreprise étant spécialisée dans le domaine de la dermatologie de prescription, l’employeur et l’inspecteur du travail avaient jugé opportun d’apprécier le motif économique à l’échelle de ce seul secteur, ce que contestait la salariée.
2. La décision
L’inspecteur du travail ne peut se limiter au secteur d’activité dans lequel l’entreprise est spécialisée pour apprécier le bien-fondé du motif économique. Il doit évaluer la situation de l’ensemble des entreprises du groupe intervenant dans le même secteur d’activité caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché (C. trav., art. L. 1233-3).
Le Conseil d’État a application des principes précités aux circonstances de l’espèce. Il a relevé que :
– la société intervenait dans les trois segments d’activité du groupe ;
– les produits des trois secteurs étaient indistinctement conçus, fabriqués et distribués par les mêmes divisions du groupe ;
– le groupe poursuivait une stratégie de développement commune aux trois segments.
Autant d’éléments permettant de conclure que « le secteur d’activité pertinent [était], en l’espèce, celui constitué par les trois segments précités », et non celui limité à la prescription, contrairement à ce qu’avaient retenu l’employeur et l’inspecteur du travail. L’employeur n’apportant aucun élément permettant d’évaluer la réalité du motif économique à cette échelle, alors qu’il y avait été spécifiquement invité, la salariée était « fondée à soutenir que la réalité du motif économique fondant son licenciement [n’était] pas établie et que la décision de l’inspecteur du travail ayant autorisé son licenciement pour motif économique [était], par suite, entachée d’illégalité », conclut l’arrêt.
Conclusion : avant tout licenciement collectif dans un groupe la détermination du secteur d’activité est essentiel. Elle est entendue très largement par les juges.
Benjamin LOUZIER
Associé/Partner Avocat Spécialiste en droit social