Archives de catégorie : Social

« welcome bonus », prime d’arrivée, rachat de bonus, etc. : le salarié doit les rembourser en cas de démission !

Dans une importante décision du mai 2023 (Pourvoi nº 21-25.136) la Cour de cassation valide l’usage dans certaines sociétés (banque notamment) qui consiste à verser un bonus au salarié à son arrivée mais dont l’acquisition définitive est subordonnée à l’absence de démission au cours d’une période donnée (souvent 2 ou 3 ans). En cas de démission avant la date prévue le salarié doit rembourser le bonus au prorata du temps restant.

  1. Les faits

Un salarié est engagé le 1er janvier 2016 comme trader.

Son contrat de travail prévoyait le versement, dans les 30 jours de son entrée en fonction, d’une prime initiale d’un montant de 150 000 €, à rembourser partiellement dans l’éventualité d’une démission dans les 36 mois de la prise de fonction. Le 16 mars 2017, l’intéressé démissionne et refuse de rembourser.

La Cour d’appel de Paris lui a donné raison, invalidant la clause considérant qu’elle portait atteinte à la liberté du travail du salarié.

  1. La décision

La Cour de cassation a censuré la cour d’appel au visa des textes relatifs à la prohibition des atteintes disproportionnées et injustifiées aux droits et libertés individuelles (C. trav., art. L. 1121-1) et à l’exécution de bonne foi du contrat de travail (C. trav., art. L. 1221-1 ; C. civ., art. 1134).

Selon la Cour de cassation :

 « la clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue ».

L’employeur était donc fondé à demander le remboursement d’une partie de la prime au salarié ayant démissionné avant le terme du délai de trois ans.

  1. Attention à la rédaction de la clause

La Cour de cassation prend soin de préciser, dans sa solution, que la prime en question est « indépendante de la rémunération de l’activité du salarié ».

Attention à la rédaction de la clause qui doit donc être détachée de l’activité du salarié et viser la simple fidélisation du salarié.

En effet, dans le cas contraire, la solution aurait été différente car la Cour de cassation juge que « si l’ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement » (Cass. soc., 29 sept. 2021, nº 13-25.549 D).

Par Benjamin LOUZIER

Vous pouvez forcer le salarié élu à expliquer l’utilisation de ses heures de délégation

On sait que les heures de délégation, considérées de plein droit comme temps de travail qu’elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l’échéance normale, et l’employeur ne peut saisir la juridiction prud’homale pour contester l’usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l’exercice de leur mandat qu’après l’avoir payé.

Mais un arrêt du 5 avril 2023 (Cass. soc., 5 avr. 2023, no 21-17.851 FS-B) vient de donner une précision importante car bien souvent les salariés protégés élus refusent de justifier dans le détail de leur heures de délégation.

Selon cette décision l’employeur peut saisir le juge des référés pour obtenir du salarié des indications sur cette utilisation.

L’employeur peut demander au juge des référés qu’il ordonne au salarié d’expliquer :

  • les dates et les heures auxquelles il a utilisé son crédit d’heures de délégation ;
  • les activités exercées pour les jours et les créneaux horaires durant lesquels il dit avoir utilisé son crédit d’heures.

Par Benjamin LOUZIER

Le salarié qui déménage loin de son lieu de travail peut être licencié pour faute grave !

Dans cette affaire un salarié était soumis à une convention de forfait jours.

Il a unilatéralement décidé, sans prévenir son employeur, de déménager son domicile à plusieurs centaines de km de son lieu de travail.

Il a réduit son temps de travail en utilisant deux demi journées de la semaine en trajets entre son domicile et son lieu de travail.

La Cour d’appel de Reims vient de juger que le salarié avait fait preuve de déloyauté justifiant son licenciement pour faute grave (CA REIMS 11/1/2023 – 22/00729)

La cour d’appel de Versailles avait également validé le licenciement d’un salarié qui refusait de se rapprocher de son lieu de travail après avoir déménagé à plus de 400 kms, et ce au titre de son obligation de sécurité (CA Versailles, 10 mars 2022, no 20/02208)

Par Benjamin LOUZIER

Harcèlement moral : en cas d’accusation au civil et au pénal, comment se défendre ?

 Harcèlement moral : en cas d’accusation au civil et au pénal, comment se défendre ?  

Il vient d’être jugé que lorsqu’elle est motivée par l’absence d’élément intentionnel, la relaxe prononcée au pénal dans le cadre de poursuites pour harcèlement moral ne prive pas la juridiction prud’homale de la possibilité de retenir cette qualification pour les mêmes faits (Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 10 du 18 janvier 2023, Pourvoi nº 21-10.233).
Les définitions civiles et pénales du harcèlement moral au travail étant similaires (C. trav., art. L. 1152-1 ; C. pén., art. 222-33-2), le jugement de relaxe mettant hors de cause un employeur poursuivi du chef du délit de harcèlement moral devrait logiquement s’imposer au juge prud’homal saisi des mêmes faits, en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. La jurisprudence sociale a toutefois déjà eu l’occasion de nuancer ce principe, en opérant une distinction selon que la décision de relaxe est fondée sur le défaut de matérialité des faits allégués ou sur l’absence d’élément intentionnel. En effet, comme le rappelle un arrêt du 18 janvier, la caractérisation du harcèlement moral en droit du travail ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel, à la différence du droit pénal. La relaxe fondée sur la seule absence d’élément intentionnel ne met donc pas l’employeur à l’abri d’une condamnation devant le juge prud’homal.


Les faits

Licencié pour faute grave après trois sanctions disciplinaires, un salarié avait saisi à la fois la juridiction prud’homale et le tribunal correctionnel afin de faire reconnaître l’existence d’un harcèlement moral de la part de son employeur. Amené à se prononcer en premier sur les faits, le juge pénal a conclu à la relaxe des dirigeants par un jugement du 2 mai 2019, en se fondant principalement sur l’absence de l’élément intentionnel requis pour caractériser le délit de harcèlement moral : « Certains comportements de l’employeur apparaissaient relever davantage d’une mauvaise gestion du personnel ou d’un contentieux prud’homal que d’un harcèlement pénalement condamnable », a-t-il notamment retenu.
Le juge prud’homal amené à se prononcer ultérieurement a ainsi estimé avoir toute latitude pour procéder à sa propre analyse des faits allégués et de leurs conséquences sur la relation de travail. Retenant la qualification de harcèlement moral, la cour d’appel a d’ailleurs condamné l’employeur au titre de la nullité du licenciement (C. trav., art. L. 1152-3) et de la violation de son obligation de sécurité. Celui-ci a alors formé un pourvoi en cassation en invoquant l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. En vain.

 
La décision Malgré les similitudes entre les deux textes issus du Code pénal et du Code du travail prohibant les faits de harcèlement moral, l’arrêt du 18 janvier rappelle une différence essentielle : « La caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail, tels que définis à l’article L. 1152-1 du Code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel. »
Cette différence explique que lorsque le jugement de relaxe du tribunal correctionnel est fondé, comme en l’espèce, sur le seul défaut d’élément intentionnel, cette décision ne prive pas le juge prud’homal de la possibilité de retenir la qualification de harcèlement moral.
Le pourvoi de l’employeur contre l’arrêt du juge civil ayant retenu le harcèlement moral managérial a donc été rejeté.
 

Comment se défendre ?

Concrètement, il y a donc lieu d’opérer une distinction, selon le motif de la décision de relaxe :
– si la relaxe est fondée sur le défaut de matérialité des faits allégués, le principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’applique dans toute sa force et interdit effectivement au juge prud’homal de contredire cette décision et de considérer que ces faits constituent un harcèlement moral ou sexuel au sens du droit du travail ;– en revanche, si la relaxe est fondée uniquement sur l’absence d’élément intentionnel, le juge prud’homal conserve la possibilité de mener sa propre analyse des faits et de décider, le cas échéant, que le harcèlement moral ou sexuel est établi au regard des articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du Code du travail.
Il est également possible d’invoquer l’article 5 du Code de procédure pénale : la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive.

   
Benjamin Louzier
Avocat à la Cour, Associé
Redlink
Tel. 33 (0)1 73 31 00 03 – Fax. 33 (0)1 73 31 00 30
Email: louzier@redlink.fr
                                                                                  ***
 

EVOLUTION DANS LA BRANCHE SYNTEC : DE NOUVEAUX ACCORDs INSTAURANT PLUS DE SOUPLESSE DANS LES ENTREPRISES

Le 13 décembre 2022, la Fédération SYNTEC a signé avec les partenaires sociaux 4 nouveaux accords relatifs à l’organisation du travail sur les thèmes suivants : forfait jours, droit à la déconnexion, télétravail, interruption spontanée de grossesse et travail du dimanche et jours fériés.

NB : Ces dispositions ne seront applicables qu’une fois l’arrêté d’extension publié au Journal Officiel (on peut compter entre 3 et 6 mois).

Les grandes nouveautés apportées par ces accords :

  • Ouverture du forfait jours aux cadres position « 2.3 ». Attention, cette nouvelle souplesse a néanmoins un coût, puisque ces derniers devront bénéficier d’un salaire conventionnel minimum majoré de 22% au lieu de 20% pour les cadres des classifications 3.1 et au-dessus ;
  • Pour les salariés en forfait jours, plus qu’un seul entretien annuel obligatoire au lieu de deux auparavant ;
  • Les salariés en forfait jours bénéficieront désormais des majorations prévues pour le travail du dimanche et des jours fériés (100% en cas de travail exceptionnel ou 25% si travail habituel) ;
  • Fixation d’un cadre de mise en place et d’organisation du télétravail en entreprise avec l’instauration de nouveaux droits pour les télétravailleurs tels qu’une pause de 45 minutes dès que le temps de travail atteint 6 heures ou le maintien du bénéfice des titres restaurants en travail hybride (mixte entre travail en présentiel et télétravail) ;
  • Création d’un nouveau chapitre dédié au « Droit à la déconnexion » et l’instauration d’un nouveau référent dans les entreprises de plus de 250 salariés, le référent à la déconnexion ;
  • Nouveau droit acquis pour les femmes et leur conjoint ou conjointe vivant une interruption spontanée de grossesse : autorisation d’absence de deux jours non déductibles des jours de repos et n’entraînant aucune réduction de salaire.

De nouvelles avancées dans la branche Syntec qui instaure plus de souplesse et de flexibilité dans les entreprises de la branche mais cette souplesse a un coût !

Les entreprises auront donc tout intérêt à continuer de négocier en interne des accords d’entreprise permettant d’adapter ces nouvelles dispositions à leur propres contraintes et réalités.

Des cabinets spécialisés comme Redlink, ayant au surplus une solide expérience d’entreprises soumises à la Convention Syntec sont à même de vous accompagner efficacement pour optimiser vos forfaits jours, tant pour la mise en place collective qu’individuelle.

Auteurs : Diane REYNAUD, Perrine CAUSSE 

Lisez l’interview de Benjamin Louzier dans les Echos sur les salariés qui quittent leurs entreprises pour créer une activité concurrente

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