Retrouvez l’article de Diane Buisson ici :
https://www.actu-juridique.fr/id/AJU010x0
Par Diane BUISSON
Retrouvez l’article de Diane Buisson ici :
https://www.actu-juridique.fr/id/AJU010x0
Par Diane BUISSON
Retrouvez l’article en intégral de Diane Buisson : https://www.actuel-rh.fr/content/le-metier-dinfluenceur-lepreuve-du-droit-du-travail
Dans un arrêt du 11 octobre 2023 (Pourvoi nº 22-13.770) la Cour de cassation juge que les documents par lesquels l’employeur fixe les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle d’un salarié doivent être rédigés en français même si l’anglais est pratiqué couramment dans l’entreprise du fait de son intégration à un groupe international.
Un salarié chef de projet dans une entreprise filiale d’une société américaine où tout se fait en anglais avait saisi les juges d’une demande de rappel de rémunération variable au titre des années 2014 à 2017. Il disait que les objectifs définis pour le calcul de cette rémunération variable n’ayant pas été rédigés en français mais en anglais, ils ne lui étaient pas opposables, de sorte qu’il aurait dû percevoir la part variable prévue à son taux maximal, comme s’il avait rempli l’ensemble des objectifs.
Les juges d’appel n’ont toutefois pas accueilli sa demande, estimant que la seule circonstance que le document ait été rédigé en anglais ne suffisait pas à rendre les objectifs inopposables au salarié. À tort.
Le Code du travail impose que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail soit rédigé en français (C. trav., art. L. 1321-6, al. 2).
Pour la Cour de cassation, dès lors que « les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle n’étaient pas rédigés en français », ils devaient être jugés inopposables au salarié et ce, quand bien même l’anglais était utilisé dans l’entreprise.
Cette décision n’a rien de surprenant, la même solution ayant encore été retenue récemment, pour censurer l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé un plan de commissionnement rédigé en anglais opposable au salarié au motif qu’il était constant que la langue de travail de l’entreprise était l’anglais et que les échanges de mails produits entre les parties étaient, pour la plupart, en anglais, y compris les documents de travail établis par le salarié lui-même (Cass. soc., 7 juin 2023, nº 21-20.322 D).
Peu importe que le salarié maîtrise ou non la langue étrangère employée (Cass. soc., 29 juin 2011, nº 09-67.492 PB).
Par Benjamin LOUZIER
Dans plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a écarté le droit français, au profit du droit européen, pour consacrer le droit de tous les salariés en arrêt de travail pour maladie à acquérir des congés payés pendant leur période d’absence (v. notre précédente actualité).
L’employeur peut il invoquer la prescription pour contrer la demande d’un salarié malade ? Pas sur…
En effet dans un arrêt du même jour (Cass. soc., 13 sept. 2013, no 22-10.529 FP-B + R) la Cour de cassation juge que la prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.
Une enseignante a réalisé une prestation de travail auprès d’un institut de formation, pendant plus de 10 ans. Ayant obtenu de la justice que cette relation contractuelle soit qualifiée en contrat de travail, elle a demandé à être indemnisée des congés payés qu’elle n’a jamais pu prendre pendant ces 10 années.
La cour d’appel a considéré que l’enseignante devait être indemnisée, mais uniquement sur la base des trois années ayant précédé la reconnaissance par la justice de son contrat de travail, le reste de ses droits à congé payé étant prescrit.
L’enseignante a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation juge que le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé.
Dans cette affaire, l’enseignante n’a pas été en mesure de prendre des congés payés au cours de ses 10 années d’activité au sein de l’institut de formation, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail. Dès lors, le délai de prescription ne pouvait pas commencer à courir.
La Cour de cassation censure donc la décision de cour d’appel.
L’enseignante va pouvoir obtenir plus de 10 ans de congés payés…
En effet dans ce cas la prescription serait de 20 ans (article 2232 cciv)
Selon la Cour de cassation, l’employeur doit inciter le travailleur à prendre ses congés en lui écrivant qu’il doit prendre ses congés.
Ceci étant, comment inciter le salarié en arrêt maladie à prendre des congés ? C’est évidemment impossible…
Selon nos informations, le ministère du Travail étudie les « options possibles » pour réagir à la position de la Cour de cassation.
Par Benjamin LOUZIER
Dans une décision très récente (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-17.340 FP-BR, Sté Transdev c/ Z Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-17.638 FP-BR, B. c/ Sté Transports Daniel Meyer)la Cour de cassation opère un revirement qui va couter cher aux entreprises.
Se conformant à la réglementation européenne, la Cour de cassation juge désormais que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle et pour accident du travail au-delà d’un an.
Jusqu’à cette décision, le Code du travail (article L.3141-3) ne prenait pas en compte, pour le calcul des congés payés, ni les périodes d’absence pour maladie non professionnelle ni celles pour maladie ou accident d’origine professionnelle au-delà d’un an.
Par cette décision, la Cour écarte l’application des dispositions de l’article L 3141-3 du Code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et juge que ce salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période.
S’agissant de la période d’acquisition en cours, le revirement de jurisprudence conduit à tenir compte des absences pour maladie pour calculer le nombre de jours de congés payés en cours d’acquisition.
L’étendue de cette décision ?
Cette solution vaut pour les droits à congés légaux, y compris la cinquième semaine de congé, ainsi que pour les droits d’origine conventionnelle. De cette façon, les salariés absents pour maladie (d’origine professionnelle ou non) acquièrent des droits à congé d’une durée identique à celle des salariés présents dans l’entreprise et exécutant un travail effectif.
En outre, si la Cour de cassation laissera désormais inappliquées, dans les litiges dans lesquels elle sera saisie, les dispositions du Code du travail empêchant ou limitant l’acquisition de congés payés pendant les périodes d’arrêt de travail pour maladie (professionnelle ou non), la rédaction des dispositions concernées du Code du travail demeure inchangée. Il appartient au législateur de les modifier pour garantir la cohérence des textes et de la jurisprudence. Dans cette attente, les employeurs qui continueraient à appliquer strictement les dispositions légales en matière d’arrêt de travail et de congés s’exposent à des contentieux judiciaires.
La décision est elle rétroactive ?
En principe oui, comme toute jurisprudence.
Les employeurs pourraient avoir à payer des congés payés rétroactivement pour des périodes pendant lesquelles les salariés étaient en arrêt maladie. Cela pourrait augmenter considérablement les coûts salariaux pour certaines entreprises dont l’effectif est important.
Ceci étant les juges ont la possibilité de limiter dans le temps la prise d’effet de leur décision que pour l’avenir par exemple. Des précisions de la Cour de cassation ou du Ministère sont indispensables.
Que faut il faire dans l’immédiat ?
– Modifier le paramétrage de la paie
– décider ou non de créditer les compteurs de congés sur les trois dernières années pour les salariés en poste et qui ont été malades.
– envisager une négociation avec les salariés en interne (et avec les syndicats et le CSE).
– envisager la prise de provisions dans les comptes en tenant compte de la prescription.
– anticiper la communication en interne sur le sujet.
– s’attendre à cette nouvelle demande dans les contentieux en cours.
Par Benjamin LOUZIER
Le coût des ruptures conventionnelles va augmenter le 1er septembre 2023.
En effet, une contribution patronale spécifique est créée à compter du 1er septembre 2023 pour toute rupture conventionnelle, sans distinction selon que le salarié est, ou non, en âge de partir à la retraite.
Son taux sera fixé à 30 % pour sa part exclue de cotisation.
Cette nouvelle contribution sera due dès lors que le versement de l’indemnité de rupture conventionnelle intervient à compter du 1er septembre 2023, quand bien même la convention de rupture serait signée avant cette date.
Le forfait social de 20 % applicable aux ruptures conventionnelles signées avec des salariés n’ayant pas atteint l’âge de la retraite sera quant à lui supprimé.
Pourquoi cette mesure ?
Par cette mesure, le Gouvernement espère notamment dissuader les entreprises de se séparer des salariés proches de la retraite en usant de la rupture conventionnelle et les inciter à les maintenir dans l’emploi.
À l’heure actuelle, le régime social applicable aux indemnités de rupture conventionnelle est avantageux pour les entreprises, par rapport à celui de l’indemnité de mise à la retraite.
En effet, lorsque la rupture conventionnelle est conclue avec un salarié qui n’est pas en âge de bénéficier d’une pension de retraite (à taux plein ou non), les indemnités versées sont exonérées de cotisations sociales, de CSG et de CRDS dans la limite de 2 fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 87.984 euros. Elles sont seulement soumises à un forfait social de 20%.
En revanche, si le salarié est en âge de bénéficier d’une pension de retraite (à taux plein ou non), les indemnités de rupture conventionnelle perçues par le salarié sont, à l’inverse, exonérées de forfait social, et intégralement soumises aux cotisations de Sécurité sociale ainsi qu’à la CSG et à la CRDS.
De ce fait, le régime social auquel sont soumises les indemnités de rupture conventionnelle est relativement intéressant, contrairement à celui qui s’applique aux indemnités de mise à la retraite, soumises à une contribution patronale de 50%, qui est supprimée à compter du 1er septembre.
La contribution unique de 30% vient donc aligner les deux régimes, pour éviter le recours massif à la rupture conventionnelle dans le but de se séparer des séniors. Ainsi, l’objectif est de favoriser le maintien dans l’emploi des séniors et éviter la bascule dans le chômage avant la liquidation des droits à la retraite.
Benjamin LOUZIER
Dans une décision récente la Cour de cassation a rappelé les principes (Cass. soc. 7-6-2023 no 21-20.322 F-D, Y. c/ Sté Vital images France) : les documents rédigés en anglais sont opposables au salarié s’ils proviennent de l’étranger.
En l’espèce, le salarié d’une entreprise française appartenant à un groupe dont la société mère était située aux États-unis avait estimé que le plan de commissionnement rédigé en anglais ne lui était pas applicable et que l’employeur ne pouvait donc pas effectuer une reprise de commissions sur son bulletin de paie en application de ce plan.
Pour le débouter, la cour d’appel avait estimé que la langue de l’entreprise était l’anglais, que de nombreux courriels étaient rédigés en anglais, y compris par le salarié, et que, de ce fait, le document pouvait lui être opposé.
S’en tenant à la lettre de l’article L 1321-6 du Code du travail, la Cour de cassation censure la décision d’appel : il appartenait aux juges du fond, dès lors qu’ils avaient constaté que le document en question n’était pas rédigé en français, de vérifier sa provenance, à savoir s’il avait été reçu, ou non, de l’étranger.
Selon l’article L 1321-6 du Code du travail, tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers.
En conséquence, des documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle rédigés en anglais sont inopposables au salarié, sauf s’ils viennent de l’étranger (Cass. soc. 29-6-2011 no 09-67.492 FP-PB).
Toutefois, l’employeur remplit son obligation si un document fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable a été rédigé en français et diffusé rapidement sur le site intranet de l’entreprise, après avoir été communiqué, dans un premier temps, en anglais (Cass. soc. 21-9-2017 no 16-20.426 FS-PB ). Cette obligation s’impose à l’employeur même si l’activité de l’entreprise a un caractère international (Cass. soc. 3-5-2018 no 16-13.736 FS-D).
Benjamin LOUZIER
Le principe est clair : le licenciement doit être notifié par « l’employeur » (C. trav., art. L. 1232-6), c’est-à-dire le représentant légal de la personne morale, et il ne peut être donné mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour mener la procédure de licenciement
Dans les groupes de sociétés, la jurisprudence est favorable à la notification du licenciement du salarié d’une filiale par un membre de la société mère du groupe (Cass. soc., 13 juin 2018, nº 16-23.701).
Elle se montre plus réservée lorsque la délégation est confiée à un membre du personnel d’une autre filiale. Pour autant, cette possibilité n’est pas totalement exclue, comme le démontre cet arrêt du 28 juin 2023 (Cass. soc., 28 juin 2023, nº 21-18.142 FS-B)
Dans cette affaire, un salarié avait été convoqué à un entretien préalable puis licencié pour faute grave, par le directeur d’une filiale du groupe auquel appartenait la société qui l’employait. Ce directeur y avait été missionné par le groupe en qualité de consultant externe.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de faire juger la rupture sans cause réelle et sérieuse.
Il a toutefois été débouté tant par les juges du fond que par la Cour de cassation.
La Cour de cassation a considéré qu’il ne pouvait pas être considéré comme une personne étrangère à l’entreprise. Trois éléments ont été principalement retenus :
– le délégataire litigieux était le directeur d’une société appartenant au même groupe que la société employant le salarié licencié ;
– celui-ci avait été missionné par le groupe en qualité de consultant externe et avait reçu mandat pour agir au nom et pour le compte du représentant légal de la société employeur, « dans le cadre de la gestion opérationnelle administrative et financière de la société, en ce compris notamment les opérations commerciales, les formalités administratives, la comptabilité, la gestion des ressources humaines (recrutement, gestion du personnel, conduite des procédures disciplinaires et de licenciement etc.) et le management de manière générale de la gestion des ressources humaines » ;
– en application de sa mission de consultant, il avait eu l’occasion d’imposer une réorganisation des processus internes de l’entreprise.
Et d’en conclure, que le délégataire n’était pas une personne étrangère à cette société et que la procédure de licenciement avait donc été régulièrement conduite.
La chambre sociale a jugé que la directrice des ressources humaines d’une autre filiale d’un même groupe devait être considérée comme une personne étrangère à l’entreprise employant le salarié licencié (Cass. soc., 20 oct. 2021, nº 20-11.485 ). Mais dans cette précédente affaire, rien ne permettait d’établir que cette DRH assurait la gestion des ressources humaines de la société du salarié licencié, ou même qu’elle y exerçait un quelconque pouvoir sur sa direction, avait alors relevé la Cour de cassation.
Dans le présent arrêt, le large mandat qu’avait reçu le délégataire au sein de la société employeur, notamment en matière de gestion des ressources humaines, et le fait qu’il était en mesure d’imposer ses décisions en matière de gestion opérationnelle, ont fait toute la différence.
Conclusion : la personne qui signe la lettre de licenciement doit avoir signé une large délégation de pouvoirs en matière de ressources humaines, dans les groupes de société.
Benjamin LOUZIER