Des faits fautifs prescrits peuvent justifier le licenciement du salarié protégé
1. Le salarié protégé ne peut être licencié qu’après autorisation de l’administration du travail. Cette autorisation est délivrée sous le contrôle du juge administratif.
L’autorisation administrative de licenciement doit combiner le respect du droit public, qui vise à protéger l’institution du salarié protégé (qui selon la formule habituelle « bénéficie dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent d’une protection exceptionnelle ») et du droit du travail, qui fixe les règles applicables entre l’employeur et le salarié.
2. Le Code du travail interdit notamment à l’employeur de prendre en compte des faits fautifs plus de deux mois après qu’il en ait eu connaissance pour engager des poursuites disciplinaires (art. L.1332-4 C. Trav.). A défaut, les faits sont normalement prescrits et l’employeur ne peut plus les prendre en compte.
Il est, cependant, possible de prendre en compte un comportement fautif global caractérisé par des faits répétitifs de même nature, dont certains peuvent être prescrits.
Il permet à l’employeur de tenir compte de faits prescrits à la condition de les rattacher à des faits non prescrits de même nature pour caractériser un comportement fautif justifiant le licenciement du salarié protégé.
3. Le Conseil d’Etat a fait application de ces principes dans une affaire récente (CE, 1er octobre 2012, M. A. B., req. n° 345252) dans laquelle il devait vérifier que l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé chauffeur de cars qui avait un comportement fautif.
Le salarié, chauffeur de véhicule de transport scolaire, avait eu des comportements violents envers certains élèves et inappropriés à l’encontre de certaines élèves. Ces comportements, qui avaient un caractère répétitif, avaient été pris en compte par l’employeur et par l’inspecteur du travail pour autoriser le licenciement pour faute.
Le salarié, se fondant sur l’interdiction de prendre en compte des faits prescrits, avait sollicité l’annulation de l’autorisation.
4. Le Conseil d’Etat a d’abord validé la prise en compte de l’ensemble des faits dans la mesure où « les différents griefs procédaient d’une même attitude inappropriée à l’égard des élèves ». Le Conseil d’Etat juge donc que l’employeur peut fonder une demande d’autorisation sur des faits dont certains sont prescrits à la double condition que :
– la demande se fonde sur des faits fautifs non prescrits,
– les faits prescrits soient de même nature que ceux non-prescrits.
L’employeur et l’inspecteur du travail peuvent donc envisager le licenciement d’un salarié protégé au regard de son comportement fautif caractérisé par des faits, anciens et récents, qui doivent être de même nature, c’est-à-dire relever de la même catégorie et se rattacher au même type d’incident.
5. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a ensuite vérifié que le comportement du salarié était effectivement fautif et suffisamment grave pour justifier le licenciement.
S’il ressort de la décision que les faits étaient graves c’est après une vérification opérée de façon détaillée par le Conseil d’Etat qui a repris les principaux faits, lesquels ont été appréciés au regard du contexte (transport scolaire, âge des élèves) pour caractériser leur nature fautive.
6. L’employeur peut donc sanctionner disciplinairement le salarié protégé ayant un comportement fautif étalé dans le temps et donc certains faits sont prescrits ; il devra néanmoins particulièrement veiller à ce que l’ensemble des faits retenus sont similaires ou semblables pour caractériser le comportement globalement fautif du salarié.
Alexandre Le Mière
Avocat associé