Le contrôle judiciaire du prix à l’aune du déséquilibre significatif validé par le Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel qui avait été saisi le 27 septembre 2018 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 894 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 2° du paragraphe I de l’article L. 442-6 du code de commerce vient de rendre le 30 novembre dernier une décision qui va certainement générer quelques commentaires (Décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018).

Le Conseil qui avait déjà jugé conforme la disposition visée dans sa décision du 13 janvier 2011 (décision du Conseil constitutionnel n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011) juge cependant recevable cette nouvelle QPC posée à l’aune de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017(chambre commerciale, n° 15-23.547) qui, en énonçant que l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce autorise un contrôle judiciaire du prix dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » implique «un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées ».

Les sociétés requérantes et intervenante contestaient la conformité de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce tel qu’interprété par la Cour de cassation dans l’arrêt susvisé car, selon elles, dans la mesure où la méconnaissance de l’obligation prévue par ces dispositions est sanctionnée par une amende civile, la notion de déséquilibre significatif serait privée de la précision exigée par le principe de légalité des délits et des peines, et que qu’un tel contrôle empêcherait la libre négociation du prix et permettrait sa remise en cause par le juge ce qui en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre.

Cependant le Conseil constitutionnel rejette ces arguments pour confirmer la conformité de l’article L. 442-6, I, 2° et l’interprétation qui en est faite par la Cour de cassation.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, le Conseil considère cependant que : « conformément à l’article 34 de la Constitution, le législateur détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales. Compte tenu des objectifs qu’il s’assigne en matière d’ordre public dans l’équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, il lui est loisible d’assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile à la condition de respecter les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines qui lui impose d’énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 4 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2011, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté »

Pour ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle, le Conseil constitutionnel énonce que : « le législateur a opéré une conciliation entre, d’une part, la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle et, d’autre part, l’intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales. L’atteinte portée à ces deux libertés par les dispositions contestées n’est donc pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Il s’ensuit que les griefs tirés de leur méconnaissance doivent être écartés. »

Cette validation du contrôle judiciaire du prix semble être problématique, et il faudra atteindre les premières décisions des juges du fond pour voir si ce contrôle est circonscrit à la négociation annuelle ou s’il peut être étendu à tout contrat conclu entre des partenaires commerciaux.

 

Guillaume Gouachon
Avocat au Barreau de Paris