Contrat et reprise des relations contractuelles : le référé suspension est fermé après l’expiration du contrat
Le juge administratif dispose, en référé, du pouvoir de geler temporairement une décision de résiliation d’un contrat public et d’obliger les parties à maintenir leur relation contractuelle jusqu’à ce qu’il statue au fond (cf. CE, Sect., 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806, dit Commune de Béziers II).
Le Conseil d’Etat a cependant déjà précisé que ce pouvoir d’imposer le maintien des relations contractuelles n’est possible qu’à la condition que le contrat puisse encore produire ses effets (cf. CE, 23 mai 2011, Société d’Aménagement d’Isola 2000, req. n° 323468 ; brève Redlink du 24 mai 2011).
Le Conseil d’Etat a récemment triplement confirmé cette règle.
1- Il a d’abord jugé dans une décision Société Alméria (CE, 1er avril 2015, req. n° 380721) que le juge doit prononcer le non-lieu à statuer s’il est constaté que la date normale du contrat était en tout état de cause expirée à la date du jugement.
Si cette décision a été rendue dans le cadre d’un litige relatif à la résiliation d’une convention d’occupation du domaine public, il ne fait aucun doute, eu égard à son libellé générique, qu’elle pose une règle générale (cf. 2ème considérant).
Le recours en reprise des relations contractuelles est donc rejeté dès lors que le contrat est expiré à la date à laquelle le juge est saisi (irrecevable) ou encore en cours de procédure devant le juge (non-lieu).
2- Le Conseil d’Etat a ensuite jugé dans une décision Chambre de commerce et d’industrie territoriale du littoral Normand-Picard (CE, 6 mai 2015, req. n° 388537) que le juge doit être impérativement saisi dans le délai de deux mois suivant la date à laquelle le cocontractant a connaissance de la résiliation.
Là-encore, les termes de la décision sont génériques et implique donc qu’elle pose une règle générale applicable aux contrats publics.
Le recours en reprise des relations contractuelles doit donc être rejeté s’il a été engagé plus de deux mois après la date à laquelle le cocontractant est informé de la résiliation et ce sans que la personne publique n’ait à notifier les délais et voies de recours.
3- Le Conseil d’Etat a, enfin, confirmé la règle par sa décision Madame B… A… c/ Ville d’Epinay sous Sénart (CE, 6 mai 2015, req. n° 386172), en l’étendant aux décisions de non renouvellement (les décisions précédentes ne portant que sur des litiges de résiliation anticipée de contrat).
En l’espèce, un agent contractuel de droit public n’avait pas vu son engagement renouvelé et avait, en conséquence, saisi le juge en référé suspension (L.521-1 CJA) afin d’obtenir le maintien provisoire de son engagement (dans l’attente de la solution au fond sur sa contestation de la décision de non renouvellement).
Le Conseil d’Etat constate qu’à la date à laquelle le juge a été saisi de la demande de suspension, le contrat considéré, à durée déterminée, était en toute hypothèse expiré. Il juge qu’il était en toute hypothèse impossible d’imposer le maintien des relations contractuelles et il confirme que la demande en référé était donc irrecevable.
Bien que cette décision ait été rendue à l’occasion d’un litige portant sur un contrat de fonction publique, il n’y a là aussi pas de raison de considérer que la solution dégagée ne soit pas applicable à tout contrat (quels que soient sa nature et son objet) ayant une durée déterminée.
Ainsi, et bien qu’il existe peu de contrats administratifs pour lesquels le titulaire disposerait, en « fin de droit », d’un droit au renouvellement, la solution donnée par le Conseil d’Etat permet de savoir que même en cas de non renouvellement (c’est à dire en dehors de l’hypothèse d’une résiliation anticipée) du contrat le juge du référé suspension ne peut pas statuer après la date d’échéance normale (c’est à dire prévue).
Alexandre Le Mière
Avocat associé