Affaire Esso : la Cour de cassation consacre l’exception de parodie en matière de marques
Le 8 avril 2008, c’est-à-dire le même jour que celui de l’arrêt rendu dans l’affaire « Areva », la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu sa décision dans l’affaire jumelle, opposant cette fois l’association Greenpeace France à la société pétrolière Esso.
Il était reproché à l’association écologiste d’avoir, en 2002, utilisé le logo Esso de manière détournée sur son site Internet, de plusieurs manières comme « E$$O » ou « STOPE$$O », dans le cadre d’une campagne médiatique initiée contre le pétrolier.
Une ordonnance de référé en 2002, confirmée en appel en 2003, puis un jugement au fond de 2004 et un arrêt de la Cour d’appel de Paris en 2005 avaient tous énoncé que la campagne en cause s’inscrivait dans les limites de la liberté d’expression, principe à valeur constitutionnelle, et que l’association Greenpeace n’avait donc pas commis d’acte de dénigrement, ni même d’acte de contrefaçon de marque au sens des dispositions de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle (contrefaçon par usage d’une marque imitée).
Esso avait formé un pourvoi en cassation. Comme dans l’affaire « Areva », la Cour suprême a considéré que l’association Greenpeace n’avait pas abusé de son droit à la libre expression. Selon l’arrêt, l’association a agi conformément à son objet, en dénonçant les conséquences sur l’environnement de certaines activités industrielles. Dans ce cadre, l’usage des marques d’Esso, de manière modifiée, dans un contexte polémique, constituait, selon la Cour, « un moyen proportionné à l’expression de telles critiques ».
Cet attendu de principe consacre donc l’exception de parodie en matière de marques, qui n’existe pas dans le Code de la propriété intellectuelle et dont le champ est, en l’état actuel de la jurisprudence, restreint aux faits particuliers de l’espèce.
On notera toutefois que l’arrêt d’appel critiqué a fait l’objet d’une cassation partielle au visa de l’article 1382 du Code civil. En effet, la Cour de cassation a reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir répondu aux conclusions d’Esso, qui sollicitait la condamnation de Greenpeace pour faute au titre de l’utilisation de la marque « Esso » dans le code source de son site Internet.
La Cour d’appel, qui avait considéré qu’il ne s’agissait pas d’un acte de contrefaçon de marque, n’avait pas recherché s’il cet usage n’était pas constitutif d’une faute.
Le feuilleton judiciaire continue donc.
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour