Ordonnance du 18 décembre 2008 – Réforme des Procédures Collectives

Ordonnance du 18 décembre 2008 – Réforme des Procédures Collectives

L’ordonnance réformant les procédures collectives a été édictée le 18 décembre dernier et est applicable depuis le 15 février 2009. Pour l’essentiel, elle emporte :

1. pour la procédure de conciliation, la possibilité, souvent mise en œuvre en pratique jusque là, de proposer le nom d’un mandataire ad hoc.

2. de nombreuses modifications sur la procédure de sauvegarde (sur les conditions d’ouverture et les comités de créanciers notamment) :

2.1 Article L.620-1 nouveau.

Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 qui justifie de difficultés, qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Est supprimée l’exigence de ces difficultés soient « de nature à le conduire à la cessation des paiements. » Il s’agit là d’une évolution essentielle.

2.2 Article L.621-4 alinéa 4 nouveau.

Le débiteur peut dorénavant proposer le nom d’un administrateur à la désignation du tribunal.

2.3 Article L.622-6.

L’obligation d’inventaire demeure mais l’ordonnance supprime l’obligation de prisée. Celle-ci demeure uniquement en cas de conversion en redressement judiciaire (Article L.621-12 alinéa nouveau) : « Aux fins de réaliser la prisée des actifs du débiteur au vu de l’inventaire établi pendant la procédure de sauvegarde, il désigne, en considération de leurs attributions respectives telles qu’elles résultent des dispositions qui leur sont applicables, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté. »

Les conditions de réalisation de l’inventaire en procédure de sauvegarde sont précisées par un nouvel Article L.622-6-1 : « Sauf s’il a été procédé, dans le jugement d’ouverture de la procédure, à la désignation d’un officier public chargé de dresser l’inventaire, celui-ci est établi par le débiteur et certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable. Les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 622-6 ne sont, en ce cas, pas applicables. Si le débiteur n’engage pas les opérations d’inventaire dans un délai de huit jours à compter du jugement d’ouverture ou ne les achève pas dans un délai fixé par ce jugement, le juge-commissaire désigne pour y procéder ou les achever un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté en considération de leurs attributions respectives telles qu’elles résultent des dispositions qui leur sont applicables. Il est saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public. Il peut également se saisir d’office. Le délai fixé pour achever les opérations d’inventaire peut être prorogé par le juge-commissaire ».

Ces textes ne limitent plus aux seuls commissaires-priseurs la mission d’inventaire.

2.4 L’article L.622-7 permet d’« autoriser à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l’activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d’option est justifiée par la poursuite de l’activité et que le paiement à intervenir est d’un montant inférieur à la valeur vénale du bien objet du contrat. » Le droit de rétention ouvert par l’Article 2286 du Code Civil, pour « celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer » n’est plus opposable selon l’article L. 622-7.-I. nouveau.

2.5 Pour ce qui concerne la conversion en redressement judiciaire, l’article L. 622-10 est ainsi modifié : c’est dorénavant « à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d’office » que la conversion est demandée, mais aussi « à la demande du débiteur, (…) si l’adoption d’un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements. ».

2.6 Concernant les revendications, l’exception réservée aux « biens faisant l’objet d’un contrat en cours au jour de l’ouverture de la procédure » pour lesquels le délai courait à partir de la résiliation ou du terme du contrat est supprimée. Tous les biens subissent donc le même sort, mais pour ces biens, l’article L. 624-10-1 nouveau précise que « lorsque le droit à restitution a été reconnu dans les conditions prévues aux articles L. 624-9 ou L. 624-10 et que le bien fait l’objet d’un contrat en cours au jour de l’ouverture de la procédure, la restitution effective intervient au jour de la résiliation ou du terme du contrat. »

2.7 Concernant les comités de créanciers deux articles sont ajoutés, avec des dispositions concernant les cessions de créances entre créanciers en particulier pour procéder à une réforme en profondeur du fonctionnement et de la constitution des comités. En substance, les modifications importantes sont :

– les comités d’établissements de crédit sont élargis à des établissements assimilés, dont la liste sera donnée par décret ;

– les comités sont constitués au regard des créances antérieures ;

– le seuil de participation pour les principaux fournisseurs est réduit de 5 à 3% des dettes déclarées ;

– le vote du plan adopté en comités est au deux tiers de la majorité exprimée et non plus des créances déclarées par les membres du comité certifiée par un commissaire aux comptes.

Deux articles nouveaux sont ainsi ajoutés, couvrant notamment les questions délicates de transfert de créances en cours de procédure :

« Art.L. 626-30-1.-L’obligation ou, le cas échéant, la faculté de faire partie d’un comité constitue un accessoire de la créance née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure et se transmet de plein droit à ses titulaires successifs nonobstant toute clause contraire.

L’appartenance au comité des établissements de crédit ou au comité des principaux fournisseurs de biens ou de services est déterminée conformément aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 626-30.

Le titulaire de la créance transférée n’est informé des propositions du débiteur et admis à exprimer un vote qu’à compter du jour où le transfert a été porté à la connaissance de l’administrateur selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat.

Le créancier dont la créance est éteinte ou transmise perd la qualité de membre. »

« Art.L. 626-30-2.-Le débiteur, avec le concours de l’administrateur, présente aux comités de créanciers des propositions en vue d’élaborer le projet de plan mentionné à l’article L. 626-2. Tout créancier membre d’un comité peut également soumettre de telles propositions au débiteur et à l’administrateur.

Le projet de plan proposé aux comités n’est soumis ni aux dispositions de l’article L. 626-12 ni à celles des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 626-18. Il peut notamment prévoir des délais de paiement, des remises et, lorsque le débiteur est une société par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports, des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. Il peut établir un traitement différencié entre les créanciers si les différences de situation le justifient.

Après discussion avec le débiteur et l’administrateur, les comités se prononcent sur ce projet, le cas échéant modifié, dans un délai de vingt à trente jours suivant la transmission des propositions du débiteur. A la demande du débiteur ou de l’administrateur, le juge-commissaire peut augmenter ou réduire ce délai, qui ne peut toutefois être inférieur à quinze jours.

La décision est prise par chaque comité à la majorité des deux tiers du montant des créances détenues par les membres ayant exprimé un vote, tel qu’il a été indiqué par le débiteur et certifié par son ou ses commissaire aux comptes ou, lorsqu’il n’en a pas été désigné, établi par son expert-comptable. Pour les créanciers bénéficiaires d’une fiducie constituée à titre de garantie par le débiteur, sont seuls pris en compte les montants de leurs créances non assorties d’une telle sûreté. »

3. Quant au redressement judiciaire, une modification importante de la notion de cessation de paiement : le premier alinéa de l’article L. 631-1 est complété par les dispositions suivantes : « Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. »

Il s’agit là d’une évolution majeure de la notion de cessation des paiements.

Les renvois aux textes applicables à la procédure de sauvegarde en cas de redressement judiciaire demeurent.

Concernant l’inventaire, voir point 2.4.

4. Quant à la liquidation judiciaire, pour l’essentiel, la réforme emporte possibilité d’inclure dans les cessions d’actifs de profession libérale, des éléments incorporels et les modifications de seuils en cas de régime simplifié en distinguant selon le cas de détention d’actifs immobiliers ou non.

5. Sanction et Responsabilité. L’ordonnance supprime la contribution aux dettes sociales (Art. L.652-1 à L.652-5) au cours d’une procédure de liquidation judiciaire (« le tribunal peut décider de mettre à la charge de l’un des dirigeants de droit ou de fait d’une personne morale la totalité ou une partie des dettes de cette dernière lorsqu’il est établi, à l’encontre de ce dirigeant, que l’une des fautes ci-après a contribué à la cessation des paiements :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »).

Cependant, la procédure pour insuffisance d’actif demeure en cas de faute de gestion (Art. L651-2 C. Com.). Elle est cependant limitée dorénavant à cette insuffisance.

Frédéric Fournier

Associé /Partner

Avocat

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