Du référé précontractuel au référé contractuel : la passerelle … à certaines conditions

Du référé précontractuel au référé contractuel : la passerelle … à certaines conditions

Tout candidat à la conclusion d’un marché public peut saisir le juge du référéprécontractuel, lorsqu’il veut faire sanctionner un ou des manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence (art. L. 551-1 CJA). 

Cependant, le juge du référé précontractuel doit être « saisi avant la conclusion du contrat » et ne demeure compétent que tant que le marché public projeté n’a pas été signé par le pouvoir adjudicateur.

Mais, les candidats ne sont pas toujours tenus informés, tout au moins en temps et heure, de la signature du marché avant d’avoir saisi le juge du référé précontractuel. Et ce, même à l’occasion des procédures formalisées, malgré les dispositions de l’article 80 CMP qui imposent d’attendre entre 11 à 16 jours (suivant la situation) entre l’envoi de l’information aux candidats malheureux du rejet de leur offre et la signature du marché.

Et, si la signature du marché est intervenue, le juge du référé précontractuel se trouve dessaisi : le candidat malheureux dispose alors de la faculté de saisir le juge du référécontractuel (art. L.551-13 CJA).

Aux termes des dispositions des articles L.551-1 et L.551-13 CJA précitées, ces deux procédures sont distinctes lune de l’autre (et, au demeurant, le référé contractuel n’est pas recevable si un référé précontractuel a été mis en oeuvre et que le pouvoir adjudicateur s’est conformé à la décision juridictionnelle rendue en précontractuel).

Le Conseil d’Etat vient toutefois de préciser qu’une « passerelle » existe entre ces deux référés, sous certaines conditions (CE, 10 novembre 2010, France Agrimer, req. n° 340944).

Dans cette affaire le candidat malheureux avait introduit un référé précontractuel contre la procédure de passation de plusieurs lots d’un marché. Ce candidat n’avait pas été informé, conformément aux dispositions de l’article 80 CMP, du rejet de ses offres et de la décision d’attribution qui avait été prise par le pouvoir adjudicateur (France Agrimer).

En défense devant le juge du référé précontractuel, France Agrimer avait opposé la signature des lots dont la procédure de passation était contestée. Cette défense avait conduit le candidat malheureux à solliciter, par un mémoire en réplique dans le cadre de la même instance, l’annulation des lots ainsi signés, sur le fondement des dispositions de l’article L.551-13 CJA (c’est-à-dire au titre du référé contractuel).

Le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Montreuil avait alors considéré qu’il avait été valablement saisi d’un référé contractuel : il a donc statué sur l’action (et, en l’espèce, ordonné la résiliation des lots en cause).

Estimant que le premier juge avait commis une erreur de droit en admettant recevable le référé contractuel formé par le candidat malheureux par le biais d’un mémoire en réplique, France Agrimer avait donc saisi le Conseil d’Etat.

Ce dernier a rejeté le pourvoi en considérant que le juge des référés a été valablement saisi par le biais du mémoire en réplique d’un référé contractuel sur le fondement de l’article L.551-13 CJA dès lors que ce mémoire « ne contenait que des conclusions fondées sur cet article » et dans la mesure où le candidat malheureux n’avait été informé de la signature des lots contestés que par le biais du mémoire en défense de France Agrimer (régularisé dans l’instance de référé précontractuel).

Bien, comme le rappelle expressément le Conseil d’Etat, que les référés précontractuels «sont présenté(e)s et jugé(e)s selon des règles distinctes » des référés contractuels, il existe donc, dans certaines conditions, une passerelle entre ces deux procédures dans le cadre d’une instance unique, ce qui, de façon pragmatique et efficiente, n’oblige donc pas le justiciable dans telle situation à procéder à une nouvelle saisine de la juridiction administrative.

Alexandre Le Mière
Associé

 

 

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