Le recours administratif contre l’avis du médecin du travail émis lors de la visite de reprise
Lorsqu’un salarié doit reprendre son activité après un arrêt maladie, de quelque origine que ce soit, il doit faire l’objet d’un examen médical de reprise effectué par le médecin du travail.
Cette obligation, organisée par les articles R.4624-21 et suivants du Code du travail sur le fondement de l’article L.4624-1 du Code du travail, est mise en oeuvre par le médecin du travail sous le contrôle final du juge administratif.
En effet, l’avis du médecin du travail peut faire l’objet d’un recours en contestation auprès de l’inspecteur du travail compétent (art. L.4624-1 et R.4624-31 C. Trav.) ; la décision de ce dernier peut être contestée devant le juge administratif.
Cette procédure, qui n’est pas nouvelle, fait cependant depuis plusieurs mois l’objet d’un regain d’intérêt compte tenu de la multiplication des contentieux ouverts devant le juge administratif avec des conséquences qui peuvent être majeures, voire dramatiques, pour les entreprises.
En effet, il résulte de la jurisprudence, et notamment la plus récente du Conseil d’Etat sur ce point (30 décembre 2011, Ministre du travail, req. n° 340577), d’abord que la contestation de l’avis du médecin du travail peut intervenir à n’importe quel moment sans considération de la décision de licenciement. Il est ensuite de jurisprudence constante que le licenciement intervenu en conséquence d’un avis d’inaptitude qui a été ultérieurement annulé est sans cause réelle et sérieuse, ce qui pèse in fine sur l’entreprise.
Le précontentieux et le contentieux administratif de l’avis d’aptitude du salarié revêt ainsi un enjeu majeur pour les entreprises.
Cet enjeu apparait d’autant plus important que l’on constate une multiplication des contestations des avis de la médecine du travail et, en conséquence, un accroissement des contentieux devant les juridictions administratives. Cet enjeu apparait au surplus assez délicat à gérer dans la mesure où la réglementation reste imprécise et que la jurisprudence administrative est très fluctuante (les Cours administrative d’appel proposant des solutions parfois diamétralement opposées et le Conseil d’Etat, étant assez peu saisi, n’est pas mis en situation d’offrir des solutions homogènes).
Or, si le récent décret n° 2012-135 relatif à l’organisation de la médecine du travail a apporté quelques ajustements et précisions (qui n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er juillet 2012), il ne vient malheureusement pas résoudre l’essentiel des difficultés actuellement rencontrées. Ce sera donc à la jurisprudence de continuer à lever progressivement ces difficultés et, partant, aux employeurs d’être vigilant et préparé à gérer le contentieux de l’examen de reprise des salariés.
En effet, si le décret précise les cas et l’objet de l’examen de reprise (nouveaux articles R.4624-20 à R.4624-24 C. Trav.) et ajoute par ailleurs la possibilité de prescrire des examens complémentaires (nouveaux articles R.4624-25 à R.4624-30 C. Trav. – en instaurant en outre un nouveau recours auprès de l’inspecteur médecin du travail sans préciser les éventuels recours possible contre sa décision), il n’apporte pas malheureusement pas d’avancée sur le fond du droit des avis d’aptitude/inaptitude.
Le décret applicable à compter du 1er juillet 2012 prochain se borne en effet seulement à préciser quelques règles de forme et de procédure.
L’avis médical devra désormais impérativement mentionner les délais et voies de recours à l’attention de ses destinataires (nouvel art. R.4624-34 C. Trav.), ce qui restera a priori aucun impact sur la régularité même de l’avis.
La contestation devra être faite et notifiée par voie de lettre recommandée avec accusé de réception en énonçant les motifs de la contestation (nouvel art. R.4624-35 C. Trav.), ce qui résulte déjà d’une exigence jurisprudentielle, et qui informe/incite donc seulement les entreprises à plus de prudence et de préparation en amont.
La décision d’aptitude ou d’inaptitude prise par l’inspecteur du travail à la suite de la contestation de l’avis du médecin du travail, peut faire l’objet d’un recours auprès du ministre du travail (nouvel art. R.4624-35 C. Trav.), ce qui résultait également déjà de la jurisprudence (étant précisé que ce choix n’est pas toujours judicieux puisqu’il est parfois stratégiquement préférable de s’éviter l’étape du recours hiérarchique pour aller directement devant le juge administratif).
Cette « mini-réforme » est, in fine, très succincte et n’est pas à la hauteur des attentes, des situations problématiques constatées en jurisprudence et même des annonces faites par le Gouvernement.
En effet, le Ministre du travail, interrogé par un Parlementaire sur l’absence d’obligation d’information réciproque de l’employer et du salarié en cas de contestation de l’avis médical, avait indiqué dans une réponse du 13 septembre 2009 (JO AN Q n° 93608) que le volet réglementaire d’application de la loi du 20 juillet 2011 pourrait notamment préciser et améliorer les procédures de contestation dans ce domaine. Or, notamment sur ce point, il n’en a rien été, au détriment de la sécurité juridique.
Alexandre Le Mière
Avocat à la Cour