Transfert conventionnel des contrats de travail : la Cour de cassation limite l’application de l’égalité de traitement (Cass. Soc. 30 novembre 2017, 16-20.532)

Transfert conventionnel des contrats de travail : la Cour de cassation limite l’application de l’égalité de traitement (Cass. Soc. 30 novembre 2017, 16-20.532)

La Cour de cassation revient sur sa jurisprudence antérieure qui considérait qu’en cas de reprise de marché emportant transfert conventionnel des contrats de travail, les salariés de l’entreprise entrante pouvaient solliciter l’application des avantages maintenus aux salariés repris, et ce en application du principe de l’égalité de traitement.

Lors de la perte d’un marché de service n’ouvrant pas droit à l’application de l’article L.1224-1 du Code du travail afférent au transfert automatique des contrats de travail, certaines conventions collectives prévoient des transferts conventionnels des contrat de travail, et ce afin de pérenniser l’emploi (ex : convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés).

Ces dispositions conventionnelles peuvent également prévoir, outre la reprise du contrat de travail, un maintien de la rémunération et de certains avantages perçus antérieurement.

  • Le contexte

Une entreprise de propreté attributaire d’un marché de nettoyage a repris à son service différents salariés affectés sur ce site à la suite de la perte du marché par leur employeur.

Certains salariés de l’entreprise entrante se sont estimés victime d’une inégalité de traitement en comparaison avec des salariés repris. En effet, certains salariés issus d’un transfert antérieur bénéficiaient d’un treizième mois en raison de la règle imposant le maintien de leur rémunération lors de la reprise du marché.

Ainsi, les demandes portaient notamment sur le rappel d’une prime de treizième mois à verser aux salariés de l’entreprise entrante.

  • La décision critiquée

Le Conseil de Prud’hommes a condamné la société à verser des rappels de treizième mois aux salariés de l’entreprise entrante en retenant que :

– les différents salariés demandeurs accomplissaient le même travail pour le même employeur, sur le même chantier, s’agissant tant des salariés dont le contrat de travail a été transféré lorsque le marché a fait l’objet d’un changement de prestataire que les salariés faisant déjà partie des effectifs de la société ;

– l’employeur ne démontrait pas l’existence d’une raison objective et pertinente justifiant la différence de rémunération liée à la nécessité de compenser un préjudice spécifique à une catégorie de travailleurs.

  • La solution et les principes visés par la Cour de cassation

La Cour de cassation casse les différents jugements au visa du principe de l’égalité de traitement et de la convention collective nationale des entreprises de propreté et de services associés.

La Cour rappelle que :

– l’évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement à l’égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée de ce principe à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle ;

– la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d’une garantie d’emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l’employeur entrant, qui résulte de l’obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d’égalité de traitement.

En application de ces principes, la Cour de cassation juge que le Conseil de Prud’hommes a violé les principes précités et casse les jugements rendus.

Il s’agit d’un revirement de jurisprudence puisque, en 2014, la Cour de cassation avait rendu une solution inverse, sur la problématique du treizième mois, en posant le principe que le maintien des contrats de travail, prévu par une convention collective, ne constituait pas un élément pertinent de nature à justifier une inégalité de traitement entre des salariés accomplissant un même travail pour un même employeur pour un même chantier (Cass. Soc. 15 janvier 2014, 12-25.402).

 

Lien vers l’arrêt commenté

Deborah Fallik
Avocate Associée

 

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