Réseaux de franchise – reclassement des salariés : quels moyens de défense pour l’employeur ?
L’engagement d’une procédure de licenciement pour motif économique, ou fondé sur l’inaptitude d’un salarié constatée par le Médecin du travail, suppose l’engagement de recherches de reclassement préalables. Ces recherches de postes de reclassement doivent être effectuées dans le périmètre suivant :
- dans l’entreprise qui procède au licenciement,
- ainsi que, le cas échéant, dans le groupe auquel appartient cette entreprise, parmi les sociétés dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Un réseau de franchise étant composé de sociétés indépendantes les unes des autres, les sociétés franchisées ainsi que le franchiseur ont tendance à considérer qu’ils n’ont pas à étendre leurs recherches de reclassement au réseau car elles ne constituent pas à proprement parler un groupe de sociétés en l’absence de liens capitalistiques et de rapports de domination entre les membres du réseau.
Ce n’est cependant pas la position retenue par la Cour de Cassation, pour laquelle les entreprises composant le réseau de franchise doivent être intégrées au périmètre des recherches de reclassement, dès lors qu’il existe entre ces différentes entreprises une possibilité de permutation de personnel.
Les sociétés franchisées d’un même franchiseur constituent donc un « groupe » de reclassement dès lors que l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette jurisprudence offre une voie de contestation du respect de l’obligation de reclassement largement utilisée par les salariés : ceux-ci mettent en avant le fait que l’employeur n’a pas effectué de recherches au sein d’autres entreprises du réseau.
Or, l’employeur rencontre un grand nombre de difficultés pour rechercher des postes de reclassement au sein du réseau de franchise auquel il appartient puisqu’il n’a aucune visibilité sur les possibilités de recrutement des autres sociétés et ne peut contraindre une autre société, juridiquement indépendante, à proposer des postes de reclassement potentiellement disponibles.
Bien entendu, par précaution, il est donc conseillé de manière préventive aux sociétés membres du réseau d’interroger les autres sociétés et de se ménager la preuve de cette recherche de reclassement au sein du réseau (envoi du profil précis du salarié : CV, description de poste, avis du médecin en cas d’inaptitude, etc.).
Compte tenu des évolutions récentes de jurisprudence selon lesquelles l’employeur peut limiter le périmètre de ses recherches de reclassement en matière d’inaptitude en fonction des souhaits du salarié (Cour de cassation, 8 février 2017 n°15-22.964), il serait utile d’adresser des questionnaires de mobilité aux salariés pendant la procédure de reclassement. Ceci permettra de contrer l’argument contentieux selon lequel l’employeur n’aurait pas recherché un poste chez les franchisés sur toute la France par exemple alors que le salarié a déclaré ne pas vouloir s’éloigner de son domicile.
Les arguments de défense pour l’employeur
L’employeur devra donc démontrer que son obligation de reclassement ne doit pas être étendue à l’intégralité du réseau de franchise, en l’absence de permutabilité entre le personnel des sociétés franchisées, à l’appui des éléments suivants :
- Le salarié ne produit aucun élément de nature à démontrer qu’une permutation du personnel est possible : la jurisprudence a précisé que la charge de la preuve du périmètre de l’obligation de reclassement ne repose pas exclusivement sur l’employeur. Dès lors, il peut être reproché au salarié de ne produire aucun élément de nature à démontrer qu’une permutation du personnel est possible au sein du réseau de franchise : cet argument est très fort car si le salarié se contente d’affirmer la permutation possible sans rien démontrer il devra être débouté de sa demande et son argument ne tiendra pas.
2. La permutation du personnel est impossible. La difficulté de cette démonstration tient au fait que la Cour de Cassation n’a pas donné d’indications sur les éléments qui permettraient de reconnaître une permutation possible du personnel au sein d’un réseau de franchise. Les Conseils de prud’hommes et Cours d’appels vont donc rechercher si, concrètement, selon les faits de l’espèce, une permutation du personnel est possible.
Les éléments qui peuvent être retenus sont par exemple :
- L’absence de mutation de personnel entre les sociétés : faire attester le ou les représentants des sociétés.
- L’absence de mutualisation de services ou des fonctions support.
- L’absence de dirigeants communs : produire les Kbis des sociétés.
- La diversité éventuelle du statut collectif.
- Une clause du contrat de franchise selon laquelle est garantie l’indépendance du franchisé dans son exploitation et sa gestion.
3. Le refus de mobilité du salarié : compte tenu des évolutions récentes de jurisprudence selon lesquelles l’employeur peut limiter le périmètre de ses recherches de reclassement en matière d’inaptitude en fonction des souhaits du salarié (Cour de cassation, 8 février 2017 n°15-22.964) il faudra analyser les réponses faites par le salarié aux offres de reclassement. Le salarié qui dirait par exemple que le franchiseur situé dans le Nord n’a pas recherché de poste chez des franchisés de Marseille, alors même qu’il a déclaré ne pas vouloir s’éloigner de son domicile, ne serait pas recevable.
4. L’absence de création de poste chez les franchisés : il pourra également être envisagé (si cela est pertinent) de produire les registres d’entrées et sorties du personnel de tous les franchisés pour montrer qu’aucun poste n’était disponible.
Benjamin Louzier
Avocat Associé