Des éclairages sur la rupture partielle des relations commerciales établies entre un fournisseur de produits MDD et un distributeur

Des éclairages sur la rupture partielle des relations commerciales établies entre un fournisseur de produits MDD et un distributeur

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a rendu un avis 16-19 du 14 décembre 2016 apportant des précisions intéressantes sur la rupture partielle des relations commerciales établies. Un GIE de 12 vignerons avait été créé en partenariat avec une enseigne pour fournir un vin AOC sous sa marque distributeur. Le système mis en place était basé sur la réservation d’un volume chaque année par le distributeur, la relation portait donc sur la vente d’un certain volume de vin (avec, éventuellement, un complément du volume en fin d’année).  Jusqu’en 2007, le volume vendu était en hausse mais depuis, les ventes se poursuivaient en diminuant de manière significative. L’acheteur s’approvisionnait en réalité en parallèle chez d’autres négociants.

Plusieurs points ont été soulevés par la Commission. 

Tout d’abord au sujet de la rupture brutale, deux éléments doivent être constatés pour qu’elle soit caractérisée, même partiellement :

1. La durée de la relation entre le GIE et l’acheteur ainsi que la régularité des achats de vin (tous les ans systématiquement) permettent de caractériser la rupture des relations commerciales établies. Le partenariat entre un GIE et une enseigne peut donc être qualifié de relations commerciales établies.

2. La baisse du volume de réservation sans respect de préavis peut être qualifiée de rupture brutale si elle ne résulte pas d’une des situations suivantes :

  • Faire suite à l’application d’une clause contractuelle organisant la variation des volumes ;
  • Avoir fait l’objet d’une information préalable ayant permis au fournisseur d’anticiper la baisse des volumes ;
  • Pouvoir être justifiée par des critères objectifs tels que le désintérêt du consommateur pour le produit en cause ou une baisse de qualité des produits, sous réserve que ces critères ne soient pas contraires au contenu des clauses du contrat liant les parties.

La Commission retient également qu’en cas de clause prévoyant un engagement sur les volumes achetés, une baisse qui serait non conforme aux conditions du contrat pourrait certes engager la responsabilité contractuelle de la partie responsable de cette baisse soudaine, sans pour autant que la qualification de rupture brutale au sens de l’article L442-6, I, 5° du code de commerce puisse être retenue.

En outre, la Commission précise que le fait de prévoir la réservation d’un volume de bouteilles étiquetées MDD n’est pas considéré comme une pratique restrictive. En revanche, ce sont bien les conditions de cette réservation qui pourraient poser problème au sens de la Commission. Il était prévu une obligation de disponibilité permanente des volumes sous peine de pénalité, sans échéance ni délai d’enlèvement imposé à l’acheteur. Dès lors que de telles conditions sont imposées de manière unilatérale et qu’elles ne sont compensées par aucune justification ni aucune contrepartie, cette pratique pourrait être qualifiée de pratique restrictive de concurrence.

Il est enfin précisé que le fait d’exiger oralement un alignement concurrentiel des prix tout en menaçant de bloquer les enlèvements des volumes réservés et déjà étiquetés MDD (empêchant ainsi toute possibilité de revente à d’autres acheteurs potentiels) pourrait être analysé comme une menace de rupture brutale partielle, encore faudra-t-il le prouver.

En conclusion, lorsqu’il est question de volumes de commandes ou de volumes réservés, la Commission recommande vivement d’anticiper les variations importantes et de prévoir des délais de prévenance suffisants.

Manon Blum
Avocat à la Cour

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